Il y a trente ans, jour pour jour, la princesse Diana serrait la main d'une personne atteinte du sida, sans gant. Une première pour un personnage public. Et surtout, un geste, inimaginable pour l'époque, qui allait changer le regard porté sur cette maladie stigmatisante et méconnue.
Le 9 avril 1987, la princesse de Galles inaugure le premier centre médical dédié aux malades du syndrome d'immunodéficience acquise (Sida) en Angleterre, au Middlesex Hospital de Londres. Devant les télévisions du monde entier, elle fait visiter les lieux mais les 12 lits sont vides. Stigmatisés à une époque où la maladie est méconnue et terrifie, les patients préfèrent ne pas être filmés. Finalement, l'un d'eux accepte d'être photographié, de dos. La princesse, serre alors la main de cet homme séropositif. Un geste, qu’elle effectue sans aucune protection, et sans gant. Un acte impensable à l’époque car il va à l'encontre de l'idée selon laquelle le virus se transmettrait par simple contact physique, ou en respirant le même air que les personnes infectées.
Dès le lendemain, la photo fait la Une des journaux et crée l'événement. Par cette poignée de main, Diana montre la voie et fait évoluer la vision que les gens ont du Sida. Une maladie alors attribuée aux homosexuels et surnommée "the gay plague" (lit. la peste des gays). En réalité, même si la communauté homosexuelle est fortement touchée, les personnes droguées font aussi partie des malades de ce virus, identifié pour la première fois en 1981 à Philadelphie, aux États-Unis.
Un infirmier présent lors de la visite de Diana en 1987, se souvient. "À l'époque, la maladie faisait peur parce qu'on ne savait pas exactement comment elle se contractait, raconte John O'Reilly dans une interview pour BBC. Mais la princesse a pris la main de tous les patients. Son geste a eu un retentissement mondial. Les téléphones mobiles, Twitter et Facebook n’existaient pas encore, mais ça a fait le tour du monde en un claquement de doigt".
Par la suite, sa visite incite de nombreuses personnes à venir travailler pour le centre médical. La princesse a levé un tabou et aidé à lutter contre l'isolement des personnes malades. "Le Sida ne rend pas les gens dangereux au premier abord, avait-elle déclaré. On peut leur serrer la main et les prendre dans nos bras. Dieu sait qu'ils en ont besoin."
Les foudres de la reine
Mais son engagement n'est pas au goût de tous. La reine Elizabeth II désapprouve la campagne menée par sa belle-fille. Une campagne qui met en avant la princesse et défie la bienséance et la discrétion de l'étiquette royale, notamment sur un sujet aussi sensible.
Des années après la mort de Diana, l'agent de police en charge de sa protection raconte le tourment de la princesse. "Après ses rencontre avec la reine, elle était bouleversée, explique Ken Wharfe. Elle m'a dit : 'La reine n'aime pas que je m'implique dans la lutte contre le Sida et d'autres actions caritatives - je devrais m'investir dans quelque chose de plus plaisant' ".
Une cause longtemps niée par Elisabeth II. Ce n'est qu'en 2008, lors d'une visite dans une clinique spécialisée en Ouganda, que la reine reconnait officiellement la détresse des victimes du Sida.
Dans les pas de Diana
Des années après sa mère, le prince Harry reprend le flambeau royal. En mars dernier, il visite un centre médical de Leicester où s'était rendue Diana 26 ans plus tôt, en 1991.
Aujourd'hui, 35 millions de personnes sont séropositives à travers le monde; c'est-à-dire, qu'elles ont été contaminées par le virus d'immunodéficience humaine (VIH) contre lequel il n'existe aucun remède. Le prince a donc appelé à continuer les campagnes de sensibilisation, jugeant qu'il n'est "pas acceptable que la premiere fois qu’un jeune entend parler du Sida, c'est parce qu'il a été contaminé".
Après avoir discuté avec les membres du personnels et les patients du centre, le prince a fait le service à table, rappelant à certains l'attitude de Diana. "Il a montré qu'il a bon coeur, comme sa mère", raconte une bénévole. Pour Amdani Juma de l'Institut africain pour le développement social, "cette visite est très importante pour réveiller les consciences. C'est un prince et il peut nous aider à diffuser les messages de prévention à travers le monde. La princesse Diana était là en 1991, et aujourd'hui, c'est Harry. C'est très spécial. Un grand moment d'émotion."
Victoria Rouxel et Matthieu Boisseau.