Brexit : une tragédie shakespearienne?

La Première ministre Theresa May le 15 novembre 2018 devant la Chambre des communes. (AFP PHOTO / PRU)

Tout ça pour ça : la petite phrase tourne en boucle dans les couloirs des institutions européennes. Deux années de discussions âpres, difficiles, tendues, marquées par une promesse de Theresa May : la sortie du Royaume-Uni de l'union douanière et du marché unique. Terrible illusion, baptisée alors "hard Brexit" et impréparation totale. Aujourd'hui cette erreur originelle revient comme un boomerang, vers le dix Downing Street. L'accord crée un territoire douanier unique, qui englobe l'ensemble du Royaume-Uni et l'Union européenne. Un dispositif présenté comme une concession de Bruxelles et qui assure un accès sans entrave des marchandises de l'Irlande du Nord vers le reste du marché britannique. En fait, Theresa May a été obligée de manger son chapeau, ou comme le dit l'expression anglaise immortalisée par Charles Dickens : "If I knew as little of life as that, I'd eat my hat and swallow the buckle whole...". Car pour sortir librement de l'union douanière, le Royaume-Uni aura besoin du feu vert de l'UE. "Capitulation" affirme Tony Blair et colère noire des partisans du Brexit. Pour Dominic Raab, le négociateur britannique, qui vient lui aussi de démissionner, la souveraineté britannique est menacée, car "aucune nation démocratique ne saurait être liée par un système imposé de l'extérieur et sans contrôle démocratique".

Et là, le piège se referme sur la Première ministre. Dans le passé, elle proclamait : nous préférons un "no deal" plutôt qu'un mauvais accord. Face à la fronde des députés, et devant le risque d'implosion de la classe politique, Theresa May, nouvelle héroïne shakespearienne, proclame : il faut choisir entre "ce projet d'accord ou pas d'accord". Être ou ne pas être. Pour faire bonne figure, elle ouvre une troisième porte au fond de l'impasse : "ou alors pas de Brexit du tout".

A Bruxelles, chacun salue son courage, les plus optimistes parient sur sa résilience. Mais le mauvais génie s'est échappé de la bouteille. L'agrégation des anti et pro Brexit, au nom de la fierté nationale, du "never surrender" constitue un terrible danger pour le soldat May.

Pendant la guerre, Churchill, qui rendait hommage à l'héroïsme des aviateurs de la Royal Air Force avait tiré cet enseignement : "jamais tant de gens n'ont dû autant à si peu". Une poignée de pilotes anglais, et quelques français, qui ont permis à tout un pays de tenir, face à Hitler. La formule, aujourd'hui revient comme un pied de nez de l'histoire : jamais si peu de gens, Messieurs Cameron, Johnson et Farage, n'auront provoqué autant de tourments à un si grand nombre.

Dans la tempête de Shakespeare, le premier acte s'ouvre sur un naufrage. A Londres, la pièce n'est pas encore jouée, les acteurs bégaient, et le décor du désastre est posé.

Pascal Verdeau

 

L'heure de vérité pour Theresa May

Publié par Pascal Verdeau / Catégories : Brexit