Croissance retrouvée, unité affichée, le président de la Commission Jean-Claude Juncker a ce mercredi 13 septembre, dessiné une vision optimiste et un programme ambitieux pour l’UE, lors de son discours annuel sur l’état de l’Union prononcé à Strasbourg.
De fait, le chômage recule et la croissance s’installe dans les 28 Etats-membres de l’Union (2% dans l’UE et 2,2% dans la zone euro). Selon les chiffres de la Commission, presque 8 millions d’emplois auraient été créés pendant son mandat, avec 235 millions de travailleurs à travers le territoire européens. « Du jamais vu en Europe » d’après le chef de la Commission.
La situation migratoire semble également se stabiliser, avec la réduction de 97% des arrivées illégales par la Méditerranée, grâce à l’accord conclu avec la Turquie. Le président de l’exécutif européen s’est ainsi félicité d’avoir « drastiquement réduit les pertes humaines en Méditerranée », remerciant au passage l’Italie pour son effort de solidarité dans cette crise. « L’Italie sauve l’honneur de l’Europe en Méditerranée », a-t-il estimé.
Avec une rentrée 2017 sans crise majeure à traiter pour Jean-Claude Juncker, « nous avons une fenêtre d’opportunité ». Mais « celle-ci ne restera pas éternellement ouverte » avertit le Luxembourgeois. Il s’agit donc de faire « le maximum pour saisir cette dynamique » a-t-il lancé dès l’introduction de son discours devant les députés européens rassemblés à Strasbourg.
Une Europe « plus forte et plus unie »
Pour Juncker, la construction d’une Europe « plus forte et plus unie » passe en premier lieu par le renforcement de sa force de frappe commerciale. Aux accords commerciaux conclus cette année avec le Canada et le Japon, doivent s’ajouter de nouveaux accords avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, mais pas sans condition : « Oui, l’Europe est ouverte au commerce. Mais il doit y avoir de la réciprocité. Il faut que nous obtenions autant que ce que nous donnons ». Le président de la Commission propose en parallèle un « cadre européen sur le contrôle des investissements étrangers » afin de protéger les secteurs stratégiques européens. Une mesure qui répond notamment aux inquiétudes françaises sur les acquisitions chinoises.
Autre proposition déjà évoquée, la création d’un super ministre européen des Finances et de l’Economie, qui serait à la fois commissaire européen de l’Economie et des Finances et président de l’Eurogroupe. Jean-Claude Juncker a également plaidé pour une fusion des statuts de président de la Commission et de président du Conseil européen. « Il serait ainsi plus aisé de comprendre l’Europe « si un unique capitaine dirigeait le navire », a-t-il expliqué.
Au sujet du numérique, qui fera l’objet d’un sommet européen à Tallin fin septembre, Jean-Claude Juncker s’est attardé sur la question de la cybersécurité, en lien avec la lutte contre le terrorisme. « Les cyberattaques sont parfois plus dangereuses pour la stabilité des démocraties et des économies que les fusils et les chars », a-t-il mis en garde, proposant le renforcement de l’« Agence européenne de cybersécurité, pour mieux se défendre contre ces attaques ».
Pour renforcer la lutte contre le terrorisme, il suggère la création d’une « cellule européenne de renseignement qui veillerait à ce que les données relatives aux terroristes soient automatiquement échangées entre les services de renseignement et la police », dans les Etats-membres.
Le sixième scénario : « liberté, égalité, Etat de droit »
Après avoir publié en mars un « livre blanc » sur cinq scénarios possibles pour relancer l’intégration européenne, Jean-Claude Juncker a, ce mercredi 13 septembre, évoqué un sixième scénario, autour de trois principes de base : « liberté, égalité, Etat de droit ».
« Le droit et la loi doivent être garantis par une justice indépendante », a rappelé le président de la Commission, au regard des récents évènements en Pologne, sans toutefois citer le pays. Jean-
Claude Juncker a également souligné le nécessaire respect de la Cour de justice de l’UE, se félicitant que la Hongrie consente désormais à se soumettre à son autorité. « L’Europe doit respirer à pleins poumons, elle en a deux, à l’Est et à l’Ouest, autrement elle s’essoufflera », a scandé J-C Juncker, appelant ainsi à surmonter le fossé entre l’Est et l’Ouest de l’Europe.
Le patron de la Commission a aussi rappelé l’importance de ne pas laisser les citoyens européens de côté, en particulier les travailleurs, appelant à une « autorité commune » de l’UE pour réguler le marché de l’emploi. « Ceux qui effectuent le même travail au même endroit doivent obtenir le même salaire », a-t-il réitéré.
En matière de liberté, Jean-Claude Juncker s’est directement adressé aux responsables de la Turquie, les appelant à libérer les journalistes « et pas seulement les nôtres ». « Cessez d’insulter nos Etats-membres, nos chefs d’Etat et de gouvernement en les traitant de fascistes et de nazis », a t-il-asséné, en excluant « une adhésion de la Turquie à l’Union « dans un avenir proche ».
« Le Brexit n’est pas l’avenir de l’Europe »
Un an après le séisme du référendum sur le Brexit, le chef de l’exécutif européen n’a que très brièvement évoqué les conséquences du retrait du Royaume-Uni pour l’Union européenne, soulignant que « le Brexit n’est pas l’avenir de l’Europe ».
« Le 30 mars 2019, nous serons une Union à 27, je propose que nous nous y préparions bien », a-t-il insisté, proposant l’organisation d’un « sommet spécial en Roumanie, le 30 mars 2019 », dans le but de « prendre les décisions nécessaires à la construction d’une Europe plus unie, plus forte et plus démocratique ».
Après un discours empreint de doutes en septembre 2016, le Président de la Commission a laissé place à l’optimisme et l’ambition en cette rentrée 2017, pour une Europe poussée par "des vents de nouveau favorables".
P. Verdeau & P. Coiffard