L'interdiction des néonicotinoïdes a donné lieu ce lundi à une passe d'armes entre le ministre de l'Agriculture Stéphane Travert et celui de la Transition écologique Nicolas Hulot. Le gouvernement a décidé de ne pas revenir sur les dispositions de la loi de 2016. A Bruxelles, des travaux sont en cours pour durcir l’interdiction des néonicotinoïdes en Europe.
La Commission européenne a proposé en 2013 un moratoire de deux ans sur les néonicotinoïdes afin d’en restreindre l’utilisation dans les États-membres. Cette famille de pesticides destinée à protéger les cultures d'insectes nuisibles, de champignons et de mauvaises herbes est accusée d'être en partie responsable du déclin des abeilles. L’interdiction concernait trois molécules : la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame. Le moratoire, qui s’est théoriquement achevé en décembre 2015, est en cours de révision au niveau européen.
« Bruxelles veut maintenant aller plus loin », affirme Anca Paduraru, la porte-parole de la Commission. L’interdiction de ces trois produits doit être étendue aux cultures sous serre qui n’étaient jusqu’alors pas visées par l’interdiction. Le nouveau texte en discussion devrait être soumis aux États-membres en juillet, avant sa transmission au Parlement européen à l’automne 2017. Si la proposition est acceptée par la majorité des États membres, l’interdiction pourrait être mise en place avant la fin de l’année.
En 2013, certains pays, dont le Royaume-Uni, s’étaient opposés à l’interdiction, sans avoir réussi à l’empêcher. Depuis, Londres semble adoucir sa position. La Grande-Bretagne a notamment refusé d’octroyer aux agriculteurs britanniques des autorisations d’utilisation « d’urgence » des pesticides interdits.
Les néonicotinoïdes, également nocifs pour les pollinisateurs sauvages (bourdons, papillons), présentent « des risques élevés » pour les abeilles, d’après l’autorité européenne de sécurité des aliments. Ces substances neurotoxiques s'attaquent au système nerveux des pollinisateurs, qui conditionnent en bonne partie la sécurité alimentaire mondiale.
La France va plus loin que ses partenaires européens
"Dès lors que la santé est mise en cause, je ne veux faire aucune concession", a déclaré Nicolas Hulot, répondant ainsi à Stéphane Travert qui a affirmé ce lundi que certains pesticides "n'ont pas de produit de substitution". Selon le ministre de l’Agriculture, "Nous devons pouvoir autoriser des dérogations pour en permettre l'utilisation afin que nos producteurs continuent à travailler dans de bonnes conditions".
En France, la loi sur la biodiversité, publiée en août 2016, prévoit l’interdiction des néonicotinoïdes en septembre 2018, avec des dérogations possibles jusqu’en septembre 2020. Par cette loi, la France va ainsi plus loin que le cadre européen, dans la lutte contre les produits néfastes pour l’environnement. Sur les pesticides en général, le programme officiel d’En Marche ! sur l'écologie n’évoque pas spécifiquement les néonicotinoïdes. Il mentionne seulement la question des pesticides et des perturbateurs endocriniens. Il prévoit toutefois de définir « un calendrier prévoyant l’élimination progressive des pesticides en commençant par ceux qui présentent un risque pour la biodiversité ou la santé, et le développement d’alternatives ».
P. Coiffard et P. Verdeau