Au lendemain du Brexit, David Cameron invoquera, très vite, l'article 50 du traité de Lisbonne selon lequel "tout état membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l'Union". Cet accord de retrait devra être négocié avec les 27 autres états membres. Pendant la durée de ces discussions ( 2 ans selon le traité, mais entre 5 et 10 ans selon certains experts) le Royaume-Uni restera membre du club européen, ce qui d'un point de vue juridique, permettra aux députés européens britanniques de continuer à siéger à Bruxelles ou à Strasbourg. Politiquement, en revanche, il parait difficile de continuer à donner un droit de regard sur de futures législations européennes à des députés, qui ne seront plus concernés par l'application de ces directives ou règlements... Côté commission européenne, Jonathan Hill le commissaire en charge de la stabilité financière et des services financiers ( ces derniers représentent 41% des exportations britanniques vers l'UE ) devrait céder son fauteuil rapidement.
- Quelle négociation?
Londres s'efforcera, coûte que coûte, de conserver un libre accès au marché unique ( biens, services, capitaux). L'une des variantes de ce scenario, serait d’intégrer l'espace économique européen sur le modèle de l'Islande ou de la Norvège. Dans cette hypothèse, le Royaume-Uni continuera à contribuer au budget européen, mais pèsera peu sur le processus législatif de l'UE...
Autre perspective: le modèle suisse de libre échange. Là aussi, Londres préserve son droit de participation au marché unique, mais n'obtient qu'un accès limité aux marchés financiers... Dans ces deux cas, la discussion sera très politique et pour boucler cet accord de retrait (à la majorité qualifiée des états au Conseil européen) le premier ministre britannique devra donner des gages en matière de libre circulation des travailleurs, aux pays de l'est, qui avaient peu digéré les propositions de Cameron, sur la suspension pendant 4 ans de certaines aides sociales versées à leurs ressortissants. (arrangement du mois de février entre les 28)
En attendant, Bruxelles fait le gros dos, mais Jean-Claude Juncker, qui prétend être à la tête d'une commission politique a mis en garde ses amis anglais : "en cas de sortie, le Royaume-Uni devra accepter d'être considéré comme un état tiers". Message subliminal: vous perdrez alors l’accès au marché unique, si cher à vos yeux...
- Un plan B ?
Officiellement, cette hypothèse n'est pas envisagée à la Commission européenne. Et dans les grandes capitales? Discrétion là aussi, mais le sommet européen, qui suivra dans la foulée du Brexit, devrait être marqué par une initiative franco allemande. En fait, "l'accident Brexit" fera rentrer les Européens ( et le monde) dans le triangle des Bermudes. Personne ne sait comment la négociation de retrait va se dérouler et quelles seront les conséquences de cet événement?
- Et l’économie idiot?
La célèbre réponse de Bill Clinton à un journaliste est dans toutes les têtes et dans le débat actuel les arguments des pro et anti Brexit sont tranchés. Le "mainstream" des économistes évoque plutôt des conséquences négatives pour la Grande-Bretagne: récession, érosion du PIB. A Berlin, Wolfgang Schauble évoque lui, "des dommages considérables pour l'Europe". Il est vrai que l'Allemagne et les Pays-Bas représentent à eux deux , 50% de l'excédent commercial de l'UE avec le Royaume-Uni .
Entre ces deux points de vue, il y a aussi le sentiment, que les deux parties vont pâtir de ce départ. Accord perdant-perdant, pour André Sapir de l'institut Brueghel à Bruxelles. Selon lui, on peut "considérer que c'est le plus petit qui va souffrir et donc le Royaume-Uni, proportionnellement. Il y aura un coût plus élevé pour le Royaume-Uni que pour le reste de l'UE, mais ce sera un coût pour les deux".
- Et si ça se passe bien?
Le scénario idéal, miraculeux: refondation européenne avec de nouveaux et grands leaders franco-allemands, poursuite de l'intégration et de la démocratisation de la zone euro, retour de flamme (et de confiance) des peuples du vieux continent à l’égard des institutions européennes, bref un alignement de planètes inédit, après le Big Bang...
- Et la Grande Bretagne?
Elle tirera son épingle du jeu, car comme le disait Jean-Louis Bourlanges, ex député européen: "les Anglais ont toujours eu un pied dedans et un pied dehors". Question: et avec le Brexit? "Ce sera l'inverse."
Pascal Verdeau