La solitude de Madame Merkel

Angela Merkel

De la gauche à la droite française, les critiques pleuvent : décision irresponsable prise en solo (la France, on l'a vu lors de son intervention en Centrafrique agit seule, parfois sans concertation  européenne mais là, c'est pour le bien commun), appel d'air imprudent, volonté d'hégémonie. Berlin, dans son "blitzkrieg" voudrait même imposer des sanctions financières aux pays qui refusent d'endosser le fardeau des réfugiés. Une menace agitée par Thomas de Maizière, le ministre de l'intérieur allemand aussitôt recadré par la chancelière. Car il y a des débats publics aussi au sein du gouvernement allemand, comme  dans tous pays démocratiques...

Sur ce dossier migration pourtant, Merkel a été la première à souligner l'enjeu essentiel pour l'UE : une crise existentielle, qui met en jeu nos valeurs, notre vivre ensemble. Bien sûr, son attitude, comme chez tous les politiques, est empreinte d'arrières pensées ( nécessité d'une main d'oeuvre jeune dans un pays vieillissant) bien sûr, avec une bonne dose de pragmatisme, elle suit son opinion publique et redore le blason allemand terni par la crise grecque. Bien sûr, vu de Paris, elle a placé la barre trop haute : l'accueil et l'intégration de près 800 000 réfugiés.

Et tout à coup, la frontière allemande se referme et l'impératrice refuse de livrer un mea culpa. Pire, le mardi 15 septembre, lors d'une conférence de presse, Merkel enfonce le clou: "wir schaffen das", nous le ferons, l'objectif sera tenu. Et d'ajouter : "nous n'avons pas à nous sentir coupable de montrer un visage accueillant à des personnes en détresse. Cela, c'est mon pays."

Fierté allemande assumée déjà par Gerhard Schröder et revendiquée avec panache, par celle que Helmut Kohl surnommait " das Mädchen", la petite fille. Une femme politique éduquée dans l'ex RDA, bouleversée par la réunification allemande, l'autre face du rêve européen. Aujourd'hui, à quelques jours d'un Conseil européen qui sera musclé, Merkel se souvient peut-être de ces images d'exode, de ces réfugiés est-allemands s'engouffrant dans la brèche ouverte dans les barbelés à la frontière hongroise. Budapest, alors, avait fait tomber un pan du mur...

L'histoire bien sûr, selon la célèbre formule, ne se répète pas. Elle bégaie. Et dans ce chaos humanitaire et politique, le bateau européen prend l'eau de toutes parts. Sur le pont, Merkel fait face. Seule, mais comme l'écrivait Barbey d'Aurevilly "il y aura toujours de la solitude pour les gens, qui en sont dignes".

 

Publié par Pascal Verdeau / Catégories : Non classé