Il ressemblait à un moteur diesel, un peu lent au démarrage d'une interview, puis soudain le débit changeait, la voix enflait et menaçait de faire exploser la membrane du micro, imprudemment tendu vers son visage. Jacques Barrot était un sanguin contrarié, et un Européen de coeur.
Nous avions accompagné le commissaire européen à la justice, à Lampedusa et à Malte. Derrière les barbelés, d'une ancienne caserne de l'armée maltaise, des migrants en haillon attendaient le cortège des fonctionnaires européens, venus effectuer, au pas de charge, "une visite sur le terrain".
Face aux huées, Jacques Barrot s'était avancé et avait amorcé un dialogue, avec un "boat people" sénégalais, venu de Tripoli. Le Commissaire avait cassé le rythme de la visite officielle et s'était arrêté partout, pour voir et comprendre. Chambrées à la moiteur étouffante, latrines de fortune, carreaux cassés dans tous les baraquements.
Devant notre caméra, il avait exorté les grands États européens, au nom de la solidarité et du partage du fardeau, à venir en aide aux pays de la première ligne : Grèce, Italie, Malte.
Poussé par ses conseillers, après plus de 3 heures sur place, Jacques Barrot s'était résigné enfin, à se séparer des migrants, qui le pressaient de questions. Le regard embué, il était remonté dans sa voiture.
Voyez le reportage de notre correspondant à Bruxelles.