Partir, c'est vivre un peu

Daniel Cohn-BenditMichel Barnier

Le combat politique les a opposés, l'esprit européen les réunit. Le grand trublion et le grand consensuel, le magicien du verbe et le réformateur laborieux de la jungle financière. Deux hommes, deux styles, une même envie d'Europe et de la défense du "bien public" des Européens. Dans quelques semaines, Daniel Cohn-Bendit s'envolera pour le Brésil, dans quelques mois, Michel Barnier rejoindra ses montagnes.

Fin de mandat et d'une histoire commune, marqués pour tous les deux par le traumatisme du non français en 2005. Lassitude, solitude, chacun dans son propre camp, fait figure de petit mouton noir. Des Verts français autistes, bousculés par Dany le rouge, et une droite copéiste qui ne veut pas mettre trop en avant un commissaire qui pourtant n'a pas démérité...

Pourtant, l'ex député et l'ex commissaire n'ont pas dit leur dernier mot et espèrent bien faire entendre leur voix dans "l'espace public" européen. Documentaire, chroniques, pour Cohn-Bendit, et déjà un livre ("Se reposer ou être libre") pour Barnier. Comme Sisyphe, l'ancien ministre veut "européaniser le débat français" et lorgne déjà une place, une piste, une fonction à haute valeur européenne...

Cohn-Bendit, lui, veut voyager, réfléchir, se "nourrir différemment", écrire un essai sur l'identité juive. L'écriture ou la vie, disait Jorge Semprun... Entre nos deux Européens, c'est bien une autre relation au pouvoir, qui est en jeu. Une belle carrière ministérielle et européenne, faite de victoires et de blessures pour l'enfant de Savoie, le désir et la jouissance de la chose politique, pour l'ancien étudiant de Nanterre. Pour grimper, Michel a su dire oui, pour rester fidèle à 68, Dany a toujours dit non (refus d'être ministre, ou de recommencer une campagne présidentielle).

Aujourd'hui, face à la "tentation de Venise", chacun cherche sa réponse. Energie intacte, mais corps fatigué pour Cohn-Bendit, volonté d'oeuvrer encore et encore, pour le plus jeune. Dans la discrétion, l'un a déjà décroché dans son bureau du Parlement européen, ses posters de 68, pendant que dans les couloirs feutrés du Berlaymont, le gaulliste Barnier, cherche à contrer l'histoire : éviter que l'Europe ne devienne un simple sous traitant des puissances montantes.

Rapport passionnel à l'histoire, volonté partagée de "changer l'Europe", le départ du tandem Barnier- Cohn-Bendit, laisse un goût amer aux amoureux du vieux continent.

Pascal Verdeau, le 10 avril 2014

 

En marge de sa grande fête de départ, le 5 avril dernier à Bruxelles, le président du groupe des Verts européens, nous a précisé sa relation au pouvoir:

 

 

Publié par Pascal Verdeau / Catégories : Non classé