UE-Russie : que faire ?

 

Summit Russia-EU, January 2014

Summit Russia-EU, January 2014

C'est la question qui traverse l'histoire de la philosophie russe : Que faire disait Lénine et surtout, renchérissaient les nervis de Staline, qui est coupable?

Aujourd'hui, quelles que soient leurs rodomontades, les dirigeants européens butent sur le "que faire?". Faute de stratégie commune bien sûr, et au-delà du jeu de Poutine, cécité absolue face aux représentations de l'intelligentia russe. Depuis la perestroïka, l'élite politique russe a misé sur deux priorités: la stabilité politique, incarnée aujourd'hui par Poutine et la volonté de s'intégrer au monde occidental. Sur les décombres de l'Empire, et après la "chienlit eltsinienne", le leitmotiv du peuple russe était : l'ordre (en russe, Poriadok).

La Russie des années 90 a essayé le multipartisme, frappé à la porte de l'Occident et découvert très vite un profond fossé : La "Gorbimania", très à la mode à l'Ouest, était l'objet de vitupérations chez les artistes et les intellectuels russes. Lorsqu'en 91, Gorbatchev, écrasé par le rouleau compresseur Eltsine, est balayé du pouvoir, ses amis occidentaux du G7 ne feront pas un geste pour le sauver...

La leçon a été retenue, lors du "coup d'état" à Kiev contre Ianoukovitch (la menace d'exclure la Russie du G8 est donc contre productive).

Les événements sanglants sur la place Maïdan suscitent aussi l'incompréhension et la peur, chez une partie de l'élite russe. Sentiment de trahison: trois ministres européens arrachent, le 21 février, un accord politique à l'ancien président, aussitôt déchiré sous la pression des insurgés. De son côté, la haute représentante Catherine Ashton, se fait photographier à côté du leader nationaliste d'extrême droite, Oleg Tiagnibok de Svoboda. Enfin, contrairement à leurs engagements de novembre ("pas d'argent pour l'Ukraine" avait dit Barroso), les Occidentaux proposent un plan d'aide de 11 milliards d'euros. Cet enchaînement de maladresses, renforce le scepticisme de nombreux acteurs politiques russes (y compris ceux qui ne sont pas favorables à la politique de force de Poutine). La mission de l'OSCE en Crimée suscite la méfiance, car cette organisation est perçue comme étant sous le contrôle des USA et de l'UE.

L'élite russe est donc en train de sacrifier l'une de ses priorités (l'intégration aux élites occidentales) au profit de la stabilité politique, synonyme de volonté de garder le pouvoir. Pour conserver ses privilèges, les dirigeants russes entonnent avec nostalgie et pertinence le refrain suivant: "L'âme ukrainienne est russe, l'Europe ne nous comprend pas".

Aujourd'hui, le divorce est consommé. Pour beaucoup de citoyens russes, l'UE s'est disqualifiée comme médiateur.

 

Pascal Verdeau, le 13 mars 2014

Publié par Pascal Verdeau / Catégories : Non classé