Les élèves de Première fraichement rentrés cette semaine seront les premiers diplômés du « nouveau baccalauréat 2021 ». L’examen réformé intégrera contrôle continu, grand oral et verra la disparition des filières générales. Des nouveautés critiquées en France, mais largement installées dans le reste de l’Europe.
La plupart des pays européens dispose d’un examen de validation du cycle d’enseignement supérieur comparable à notre baccalauréat. En Italie c’est la « Maturità », en Pologne la « Matura », en Bulgarie « l’Examen de maturité »,…
Ainsi, lorsqu’en février 2018, Jean-Michel Blanquer, Ministre de l’Éducation nationale, annonce la réforme du baccalauréat pour 2021 et laisse entrevoir la possibilité de rebaptiser l’année de terminale, « Classe de maturité », il donne le ton. La réforme du bac s’inspirera de ce qu’il se fait dans le reste de l’Europe. Car du côté du Ministère de l’Éducation nationale, on s’accorde sur la faible adaptation du baccalauréat aux mutations récentes et aux attentes du monde professionnel. Un « constat général » d’autant plus flagrant lorsque l’examen français, ses épreuves et sa préparation sont mis en regard avec leurs équivalents européens.
Le grand oral, une importation italienne ?
« Rome, laboratoire politique de l’Europe », mais peut-être aussi laboratoire méthodologique du système éducatif français. Il colloquio (l’entretien) est en effet l’inspiration européenne la plus manifeste, et à demi-mot reconnue, de la réforme du baccalauréat.
Comptant pour un tiers de la notation, il s’agit de l’épreuve phare de la Maturità italienne. Durant cet examen oral d’une heure, l’élève doit analyser, devant sept enseignants, les diverses problématiques ou facettes d’un sujet concret, mettant ainsi en pratique les compétentes acquises dans l’ensemble des matières étudiées. Capacités de synthèse et de raisonnement exhaustif sont ainsi attendues et exercées.
Son tenant français, le Grand Oral, aurait le même objectif, selon les services du Ministère de l’Éducation nationale. Il « doit valoriser des compétences nécessaires aux attentes du secteur professionnel mais aussi du système universitaire ». En d’autres termes, le Grand Oral apparait pour entraîner les élèves à manier leurs connaissances théoriques multidisciplinaires dans le cadre de situations concrètes et techniques. Il fera cependant son apparition lors de la session de 2021 du baccalauréat et sous un format plus restreint qu’en Italie. Il ne composera que 10% de la notation finale et l’entretien, encadré par trois enseignants, ne devrait durer que vingt à trente minutes.
Le Grand Oral doit également contribuer à réduire le retard français, régulièrement mentionné dans les classements l’OCDE, en matière d’expression et d’aisance orale. Une faiblesse imputée à une absence, presque unique en Europe, d’examen scolaire porté spécifiquement sur l’expression orale.
La disparition des filières générales
Exit les trois filières générales classiques. Les séries S, L et ES disparaissent, dès cette année en classe de Première, au profit d’un parcours général unique. Les élèves suivront désormais tous les enseignements d’un tronc commun, et choisiront trois spécialités parmi une douzaine de matières différentes. Les parcours seront donc davantage personnalisés.
Le principe est en vigueur en Belgique depuis de nombreuses années. Et si en France, il effraye certains parents, anxieux de voir leurs enfants écartés de certaines filières universitaires en raison de leurs choix d’enseignements de spécialités, il n’en va pas de même dans le plat pays. Pour Johan Verhever, représentant du Comité des élèves de la Fédération des étudiant.e.s Francophones (FEF) de Belgique, « la question des portes fermées ne se pose pas ». Officiellement en Belgique, « ce système permet à n’importe qui de suivre le cursus supérieur qu’il souhaite, tant qu’il est issu de la filière générale (…) rien n’empêche un élève issu d’une filière plutôt littéraire de suivre des études de médecine ».
La suppression de la labellisation du bac repose, pour le Ministère de l’Éducation, sur une logique similaire. Une meilleure perméabilité des différentes filières universitaires et professionnelles, qui risque pourtant d’être peu effective. Car en France, les matières scientifiques, qui plus est les mathématiques, sont des critères historiques de sélection et d’accès aux différentes formations de l’enseignement supérieur. Or la matière ne figure pas dans les enseignements du tronc commun, comme c’est le cas en Belgique ou en Italie. Les bacheliers pourraient donc finalement être davantage restreints dans leurs orientations universitaires que le laissent présager les exemples européens.
L’apparition du contrôle continu, fin d’une exception hexagonale.
Sur les 27 États membres de l’Union européenne, le modèle français faisait historiquement figure d’exception. Un bon nombre de pays ont opté pour un système de notation mixe mêlant contrôle continu (les notes obtenues durant l’année) et examen de fin d’études. En Italie, la part du contrôle continu est de 25% ; en l’Allemagne elle supérieur de 60% de la note finale de l’Abitur.
Mais avec la réforme du baccalauréat, la France introduit elle aussi le contrôle continu, à hauteur de 40%. Une décision controversée, au nom de l’égalité de traitement vis-à-vis de l’examen. Les professeurs dénoncent un bac qui ne serait plus national mais local et craignent de possibles discriminations. Selon l’établissement dans lequel ils étudient, les élèves pourraient être sous-notés ou au contraire, sur-notés.
Un élément, qui en Allemagne et Belgique ne choque pas forcément et que l’on reconnait ouvertement. Dans le royaume, les communautés linguistiques sont responsables de l’enseignement (il n’y a pas de Ministère de l’Éducation au niveau fédéral belge, mais un Ministre pour la communauté flamande, un pour la fédération Wallonie-Bruxelles et un pour la communauté germanophone). Chaque établissement compose les sujets d’examens du certificat de fin d’études secondaires et en gère la correction. « Ce système renforce le caractère inégalitaire des écoles » assument les représentants de la FEF. Mais selon eux, les inégalités existent indépendamment du système d’examen propre à chaque établissement. Ce dernier ne ferait que les rendre plus visibles. A voir s’il en sera de même pour l’enseignement français.