À l’heure où les citoyens européens demandent plus de justice fiscale, l’argent de leurs impôts s’évapore. 50 milliards d’euros sont détournés chaque année par des criminels, qui fraudent la TVA.
Deux semaines avant les élections européennes, 34 médias dont les Allemands de Correctiv dévoilent une fraude fiscale qui embarrasse les 28. Mais les escrocs qui volent 50 milliards d’euros aux États de l’UE chaque année exploitent une faille bien réelle de la fiscalité européenne.
Chaque pays membre fait payer une TVA sur les biens échangés dans son pays. Un taux qui peut aller (jusqu’à 27% en Hongrie), mais qui n’est pas à régler quand l’échange se fait entre les pays de la communauté. Par exemple, cent poulets vendus par une entreprise française en Allemagne ne seront pas taxés. Comme l'entreprise allemande revend ensuite ces biens à l’intérieur de l’Allemagne, la taxe s’applique. La fraude, appelée “carrousel”, commence ici. Les poulets sont donc vendus à un client qui doit payer la TVA, supposée être reversée à l’Etat. Ils sont ensuite revendus dans un autre pays membre, et le vendeur réclame le remboursement de la taxe à l’Allemagne, comme le prévoit la législation. Il peut ainsi empocher l’argent du trésor public. Pendant ce temps, l’entreprise qui devait s'acquitter de la taxe disparaît avant que le fisc réalise qu’elle n’a pas payé. Pour l’État, il est trop tard. L’argent a déjà disparu derrière un montage complexe de sociétés écrans installées dans des paradis fiscaux. Toute l’arnaque s’est faite sur papier et les poulets n’ont peut-être jamais bougé.
La fraude est montée par des criminels, et parfois des terroristes. Une cellule jihadiste espagnole démantelée le 7 mai s’appuyait sur un “carrousel” alimentaire de poulet, fromage et de chocolat pour récupérer 8 millions d’euros. Une somme utilisée pour envoyer des Marocains et des Espagnols en Syrie en 2005 pour combattre aux côtés de l’État Islamique.
L’an dernier, la TVA européenne était de 157 milliards d’euros. Près d’un tiers de cet argent public a disparu. La fraude en “carrousel” est déjà célèbre, selon le Commissaire européen aux affaires économiques Pierre Moscovici, “pas totalement surpris” par les révélations des médias. La Commission propose depuis deux ans aux États de taxer les ventes transfrontalières. Une solution pour “éliminer 80% du carrousel” selon M.Moscovici, confronté à une “incapacité à conclure de la part des États membres”, qui doivent voter à l’unanimité pour changer les règles fiscales de l’Union. Pour la Commission, les États doivent “casser ces mécanismes de fraude” en transformant la fiscalité européenne. Mais certains pays font barrage. Pour le média Correctiv, l’Allemagne ralentit l’UE dans l’accélération des enquêtes et ne fait pas assez confiance à ses partenaires pour changer la fiscalité commune.
En face, le Royaume-Uni a trouvé une autre option pour réduire le montant dérobé d’année en année, en durcissant sa législation contre la fraude fiscale.
C. Di Roma et V. Lerouge