Le TTIP : Où en-est-on ?

Il effraie, fait parler, fantasmer, mais personne ne sait véritablement ce qu’il prévoit concrètement… Le traité transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) doit créer la plus grande zone de libre-échange du monde, mais il est bien difficile de savoir s’il verra le jour en 2016 , avant la fin du mandat de Barack Obama, comme l’aimerait l’administration américaine.

La semaine dernière, le 12e tour des négociations s’est penché sur la coopération réglementaire et les règles pour le commerce mondial. Les Européens et Américains, pourtant très éloignés sur ces sujets, se seraient mis d’accord. Les deux parties veulent accélérer les discussions afin de sceller un accord avant les élections américaines.

Un accord sans doute pas avant 2017

Si les négociateurs, qui se sont vus pour la première fois en juillet 2013 à Washington, veulent essayer de boucler un premier texte pour la fin de cette année, l’objectif semble très difficile à atteindre. « Compte-tenu de la difficulté du dossier et du calendrier électoral chargé aux USA et en France, je ne crois pas qu’on se mettra d’accord avant un an et demi voire deux ans », analyse Franck Proust, l’eurodéputé français du groupe politique PPE. «Le projet a du plomb dans l’aile. Je n’ai jamais vu autant d’intérêt de la part des citoyens pour un sujet européen, ce qui est une bonne chose. Que ça soit les étudiants ou les retraités, ils se rendent compte du danger », juge pour sa part Marc Tarabella, eurodéputé du groupe politique Sociaux & Démocrates

 

Dan Mullaney (US) et Ignacio Garcia Bercero (UE) ouvrent le 12ème tour des négociations

L’Europe la grande perdante ?

Mais ce TTIP, tant décrié par une partie de l’opinion publique et politique européenne, va-t-il vraiment être plus profitable à l’UE qu’aux USA ? « Là est toute l’enjeu», indique Charles de Marcilly, responsable du bureau de Bruxelles de la Fondation Robert Schuman. « La Commission européenne en charge des négociations doit absolument faire preuve de courage et elle ne doit pas se laisser marcher sur les pieds. Malgré tout, le texte final du TTIP sera une espèce de grand panier. Là-dedans, certains secteurs seront gagnants et d’autres perdants. » En juillet dernier, le parlement européen a voté pour le projet du TTIP avec 436 voix pour, 241 contre et 32 absentions. « On se fait entuber ! », juge catégoriquement Marc Tarabella qui s’inquiète surtout des dégâts que pourraient causer cet accord dans le domaine de l’agriculture. « Les Américains sont pragmatiques, ce que les Européens ne sont pas. Si on veut abaisser les droits de douanes pour nos producteurs laitiers, par exemple, ils vont en pâtir car les prix iraient à la baisse et on n’aurait plus aucun moyen de les protéger. »

Des négociations trop sécrètes ?

Une autre critique à l’encontre de ce partenariat transatlantique demeure l’opacité des négociations, que certains jugent anti-démocratiques. « Ce sont des dossiers complexes, souvent rédigés par des fonctionnaires aidés par des avocats d’affaires. Et nous, les députés européens, nous avons seulement le droit de les consulter deux heures dans une cave, sans prendre aucune note ni sans pouvoir se faire aider par un spécialiste. Ils font ça pour se donner bonne conscience mais ça ne sert à rien », souligne le Belge Marc Tarabella. Un point de vue que ne partage absolument pas Franck Proust. « Nous n’avons jamais connu un accord de partenariat aussi transparent. »

La Commission européenne doit montrer les crocs

« L’Europe ne doit pas être naïve et doit se faire respecter », souligne Franck Proust. Il souhaite que l’Union européenne se montre forte pour obtenir un accord où chacune des parties sera gagnante. « Pour le moment, les populistes d’extrême-gauche et d’extrême-droite, voire les Verts, caricaturent le TTIP alors que nous ne sommes qu’au stade des négociations. » D’ailleurs, si ce projet abouti et voit le jour, il sera ensuite soumis au vote du Parlement européen. « Soit le TTIP est bon, et on votera pour, soit il n’est pas bon et on votera contre. La croissance étant quasiment nulle en Europe, si nos entreprises et surtout nos PME veulent retrouver le sourire, il faut aller chercher les parts de marché aux USA là où il y a de la croissance. »

Pour rappel, les deux prochains rounds de négociations se dérouleront en avril à Washington et en juillet à Bruxelles.

 

T. Lecloux & V. Lerouge

Publié par Julien Gasparutto / Catégories : Non classé