Nous avons passé la journée de dimanche avec les Bolsomitos, les électeurs de Jair Bolsonaro, favori dans les urnes brésiliennes. Devant la résidence du candidat en tête des élections, nous avons vécu, aux côtés de ses partisans, sa victoire avec 46% au premier tour de la présidentielle. Voici le récit d’une journée euphorique, bruyante mais surtout historique pour le pays.
Dès midi, à Barra de Tijuca, un quartier riche dans le sud de Rio de Janeiro, une cinquantaine de Brésiliens s’agite devant un grand portail blanc. À quelques mètres de la mer, longeant une grande route où s’alignent de longs palmiers, c’est la maison de Jair Bolsonaro, le candidat d’extrême droite favori pour l’élection présidentielle. « Qui veut un tee-shirt ?! », crie un vendeur de produits à son effigie, « pas cher ! ». C’est le grand jour. L'ancien militaire réserviste député du Parti Social Libéral (PSL), en tête des intentions de votes, se verra ouvrir les portes du second tour dans la soirée. Sous un ciel menaçant, les cris d’encouragement des Bolsomitos couvrent le bruit des vagues. Près de l’appartement de Jair Bolsonaro, plus les heures passent, plus la rue déteint aux couleurs du Brésil : bleu, vert, jaune, le drapeau national… repris par le PSL.
« BOLSONARO 17 », une issue attendue
L’euphorie monte à mesure que la rue s’emplit de Bolsomitos. Ils crient en coeur : « Eu vim de graça! », « Je suis venue gratuitement » en français. Un slogan qui fait référence au fait que le camp adverse à pour coutume de payer le déplacement ou les drapeaux de leurs militants. Au fil des heures, le bruit des klaxons grandit jusqu’à couvrir les cris d’encouragement. Des voitures personnalisées déambulent fièrement parmi les militants. « BOLSONARO 17 » peut-on lire sur les vitres. À l’intérieur, arborant leur tee-shirt où est dessinée la tête de leur idole, les Bolsomitos klaxonnent de plus belles. Parfois même, entre deux bruits assourdissants, ils nous lancent : « Globo lixo ! », « Globo est une poubelle ». Globo, c’est la première chaîne de télévision nationale. Elle est, avec les autres médias du pays, prise pour cible des militants de l’extrême droite. Accusée d’être manipulée par la cour de Michel Temer, l’actuel président, elle fait l’objet de nombreuses critiques.
À partir de 17 heures, il n’y a plus qu’à attendre. Les bureaux de vote viennent de fermer et, grâce au système électronique des urnes mis en place dans ce pays continent aux trois fuseaux horaires différents, les résultats vont arriver vite. Alors, dans l’attente, les Bolsomitos fêtent déjà la victoire. Plusieurs stands « snack », comme on en trouve partout au Brésil, se mélangent à la horde hurlante. Le bruit d’une grosse remorque sonore couvre le bruit des klaxons. Ils connaissent déjà l’issue du vote. La seule surprise de la journée serait la nomination directe de Jair Bolsonaro, qu’il a frôlée de 4%.
46%, un score historique
Quelques minutes plus tard, les premières estimations tombent : Jair Bolsonaro rassemblerait 49% des votes. Un coup de massue pour les partisans du second favori à la course présidentielle, Fernando Haddad, alors à l’autre bout de la ville. Même si ces résultats peuvent encore changer : peu importe pour les Bolsomitos. "Leur" Jair Bolsonaro est déjà au pouvoir. Ils entament en coeur un funck chanté par un rappeur militant: « O Mito chegou », le Mythe est arrivé.
Les résultats définitifs tombent : le candidat réalise un score écrasant avec 46% des votes. Malgré cette victoire historique, Jair Bolsonaro ne sort pas de chez lui ce soir. À l’image d’une campagne menée essentiellement sur les réseaux sociaux, le candidat favori fait un direct sur Facebook depuis son appartement pour remercier et motiver ses Bolsomitos.
Acclamé par des « Mito! Mito! », « Mythe » en français, l’homme qui rassemble autant qu’il divise doit maintenant mener campagne jusqu’au 28 octobre. À 23 heures, ses Bolsomitos, essoufflés par cette journée rentrent chez eux. Un peu saouls, la conviction de voir enfin leur pays sortir de son mal endémique, ils ont trois semaines pour pousser leur candidat jusqu’au bout de leurs aspirations : faire de lui le Président de la République brésilienne.
Anaïs Lebranchu