La cérémonie d'ouverture commence dans moins d'une heure. Pourtant, à Rio, l'ambiance n'est pas (seulement) à la fête. Le mouvement "Jogos da exclusao" (les Jeux de l'exclusion) est bien décidé à faire entendre sa colère.
Sur la place Saens Pena, plusieurs dizaines de personnes sont rassemblées. Sur leurs pancartes, un message revient : "Jeux de l'exclusion". Pour Renato, docteur en urbanisme de 32 ans, "l'organisation des Jeux Olympiques n'est qu'un prétexte pour violer les droits des citoyens". Un discours que tiennent la quasi-totalité des manifestants. Les critiques contre le gouvernement fusent de toutes parts. Privatisation du service public, militarisation de la ville, favelas rasées par milliers, expulsions massives de familles …. autant de chefs d'accusation, martelés avec force et colère.
"Un génocide de la jeunesse noire"
Le T-shirt couvert d'autocollants anti-JO, la jeune Anna-Cécilia, étudiante en droit constitutionnel, est survoltée par la situation de son pays. "La police de Rio est parmi les plus meurtrières au monde. Et elle tue principalement des jeunes, noirs". Des données tristement confirmées par les chiffres d'Amnesty International. "Le but du gouvernement est de nettoyer la ville et de la rendre bien propre pour les touristes. On est en train d'assister à un génocide de la jeunesse noire".
Police et répression
Alors pour s'insurger et faire valoir leurs droits, les manifestants ont décidé de se rassembler et de se diriger vers le Maracana, où se tiendra ce soir la cérémonie d'ouverture. Un projet ambitieux mais compromis, lorsque l'on sait que la police veille et a bloqué la circulation dans plusieurs rues. Armés de matraques, de nombreux policiers surveillent l'évènement, prêts à bondir au moindre imprévu. Parfois, ils prennent un militant à part et lui demande de montrer ses papiers, sans raison. "C'est juste pour nous provoquer, pour exercer une pression psychologique", s'agace l'une des manifestantes. Entre les deux camps, l'ambiance est électrique. Alors que les uns rivalisent de froideur et de mépris, les autres multiplient les déclarations ironiques, où se mêlent quelques insultes. "La répression a été si forte en 2013 (NDLR : manifestations précédant la Coupe du Monde) que maintenant, les gens ont peur de manifester. Plusieurs amis ont refusé de venir parce qu'ils craignent la police", explique Anna-Cecilia.
S'organiser en prévision de Tokyo 2020
Parmi les manifestants présents sur la place Saens Pena, une silhouette se distingue. C'est celle de Misako, une discrète japonaise d'une trentaine d'années. Furtivement, elle passe entre la foule et distribue des autocollants noirs "Non aux Jeux au Japon", en prévision des JO de Tokyo (2020). Il y a quelques jours, elle est arrivée seule au Brésil pour prendre la température, observer les problèmes sociaux et politiques du pays. Et aussi, pour organiser le mouvement anti-JO de Tokyo. "Le Japon connaît de graves problèmes de pollution, il a été dévasté par les attaques nucléaires", explique Misako dans un anglais approximatif. Avant de conclure : "C'est un endroit dangereux, quoi qu'en dise le gouvernement".
Avant de retourner à Tokyo, d'ici une dizaine de jours, Misoko continuera à manifester contre la tenue des JO dans la ville de Rio. Comme des centaines de Brésiliens, elle refusera les paillettes et les mots doux des dirigeants au profit de la dure réalité des chiffres. Sans pour autant nier la beauté de l'évènement qui s'annonce. Sur ce point, la plupart des manifestants s'accordent : contre les manigances du gouvernement, oui. Mais contre le sport et les athlètes, non. Qu'on se le dise, les militants de la place Saens Pena sont contre les Jeux de l'Exclusion, pas contre les Jeux Olympiques.
Marie Gentric pour Fanny Lothaire