1,8 million de travailleurs doivent se rendre disponibles quand leur employeur les appelle. Un situation précaire pour beaucoup de ces journaliers modernes.
Les chiffres de l’emploi allemand sont cités en exemple. 5,1% de chômeurs seulement, c’est 4 points de moins qu’en France (9,1% au second trimestre 2018). Un taux record, qui occulte la précarité de nombre d’emplois. Un institut de recherche allemand (IAB) s’est penché sur le cas de ces employés tenus de se rendre disponibles à tout moment quand leur employeur les appelle. Sans horaires fixes, ils sont suspendus au coup de fil ou au simple SMS de leur hiérarchie. Difficile pour eux ensuite de refuser les heures de travail demandées, s'ils veulent conserver leur poste et gagner suffisamment pour boucler leurs fins de mois.
Agents de sécurité, serveurs en restauration, vendeurs pour une chaîne de prêt-à-porter, travailleurs de la santé… Principalement liés aux secteur tertiaire, les corps de métiers touchés sont nombreux. Au total, le phénomène touche 4,5% de la population active allemande. Pour les détenteurs de petits boulot — les fameux mini-jobs — le chiffre triple : 12% sont concernés par ce « travail à la demande ». Flexibles et moins coûteux qu’un salarié en contrat fixe, ces journaliers modernes sont pour la plupart des entreprises qui y ont recours un garant de compétitivité.
Des salariés « moins épanouis »
Viktoria Müller [nom changé pour préserver son anonymat ndlr] finance ses études en travaillant à temps partiel comme vendeuse chez Cos, filiale du groupe suédois Hennes & Mauritz (H&M). Son CDD stipule 12 heures de travail hebdomadaires, mais elle en effectue parfois jusqu’à 25. « Du coup, ce n’est pas facile de prévoir des trucs avec mes amis. On peut permuter avec des collègues de temps en temps, mais, au final, on est complètement dépendant de l’entreprise et du bon vouloir de son supérieur » confie-t-elle à la Süddeusche Zeitung (trad. Courrier International ). Selon l’étude conduite par l'IAB, les employés qui travaillent « à l’appel » sont en moyenne « moins satisfaits de leur vie et de leur temps libre que les autres. »
Une incertitude contraignante également pour Henrike Lehmann [nom changé pour préserver son anonymat ndlr]. Cette jeune allemande de 28 ans résidant à Berlin travaille avec des agences pour faire de la figuration. « Je ne sais jamais à quoi va ressembler mon emploi du temps. En été par exemple, j'ai souvent plus de boulot qu'en hiver et ça ressent sur ma feuille de paie. Certaines semaines je ne gagne rien du tout, mais il y en a d'autres où je gagne jusqu'à 2500€, c'est variable » explique Henrike. Pour la jeune femme en revanche, c'est un choix de vie délibéré : « J’y trouve une certaine forme de liberté, je ne me verrais pas avoir des horaires de travail fixes » poursuit-elle.
Une loi pour tenter de réguler cette pratique
Chercheur à l’Institut de recherche sur le marché du travail (IAB), Jens Stegmaier explique que le « phénomène augmente sensiblement parallèlement à la hausse du nombre d’actifs. » Alors pour tenter de réguler cette pratique, une nouvelle loi est entrée en vigueur début janvier en Allemagne. Le texte plafonne le nombre d’heures supplémentaires travaillées. Une « avancée encourageante » selon le syndicat des prestataires de services Ver.di, qui rappelle combien il est « difficile pour ces salariés précaires de se mobiliser pour défendre leurs droits. »
Par Chloé Cosson