Pour les services de sécurité allemands, l'auteur de la tuerie de Strasbourg mardi 11 décembre n’était connu que comme petit délinquant multi-récidiviste. Côté français pourtant, il était fiché S pour radicalisation.
Ouverture par Berlin d’une procédure contre l'auteur présumé de l'attentat, renforcement des contrôles dans la zone frontalière, avis de recherche français relayé par les institutions officielles allemandes… Durant les quarante-huit heures de traque de l’auteur de la tuerie du marché de Noël de Strasbourg, les autorités françaises et allemandes ont travaillé main dans la main. Et pour cause : Chérif Chekatt avait également un lourd passé judiciaire outre-Rhin.
Le suspect a été condamné mi-2016 à 2 ans et 3 mois de prison par le tribunal de Singen (Allemagne) pour divers cambriolages aggravés. #Strasbourg
- un cabinet de dentiste à Mayence en 2012
- une pharmacie à Engen en 2016.Libéré en 2017 et expulsé vers la France.
— Laurent Desbonnets (@ldesbonnets) 12 décembre 2018
Données non communiquées
En mai 2016, au cours de sa détention en Allemagne, l’auteur de la fusillade de Strasbourg est fiché S pour radicalisation par les services de sécurité français. C’est là que le bât blesse : les autorités allemandes n’en auraient pas été informées. Le tabloïd Bild évoque en Une un « problème dans la communication des données ». « Les autorités françaises ont la réputation d’être très lents à communiquer parmi les confrères allemands » analyse le Tagesspiegel.
Contactées par le bureau de France TV Berlin, l’office fédéral allemand de la police judiciaire (BKA) assure que « les autorités de sécurité allemandes coopèrent bien et en toute confiance avec les autorités françaises, notamment en ce qui concerne le terrorisme. Le BKA envoie tous les six mois une liste des personnes classées comme périlleuses en Allemagne. » Mais ne souhaite pas préciser s’il existe des traces du nom de Chekatt dans NADIS, la base de donnée des services de renseignement de Berlin.
Vers une harmonisation européenne ?
Selon le Tagesspiegel, les incertitudes dans la communication de ces informations relèvent problèmes structurels à plus grande échelle. « Il manque un fichier commun dans lequel les islamistes des pays de l'Union Européenne seraient automatiquement enregistrés après avoir été repérés » déplore le grand quotidien.
Il existe déjà le Système d'information Schengen (SIS), base de donnée de l’UE contenant des informations relatives à la sécurité des concitoyens européens. Interrogé par Bild l’expert en matière de terrorisme Peter Neumann précise que « les données ne sont pas communiquées ou retirées en continu par certains pays, car ce système fonctionne sur la base du volontariat. » C'est un long processus pour l'ensemble de l'UE. Mais de part et d’autre du Rhin, il est fort à parier que les récents événements de Strasbourg l'échange de données. Car l'enjeu est de taille : il s'agit d'éviter qu'une telle tragédie ne se reproduise.
Par Chloé Cosson