Moulin Rouge ou Crazy Horse, l’âge d’or du cabaret parisien semble révolu. Tout se passe désormais à Berlin, où toute la scène internationale se retrouve pour célébrer cet art du glamour.
Un rideau de velours rouge, des lampes aux lumières chaudes et des téléphones à cadran. Des franges cousues aux jupes, des collants avec coutures, des talons aiguilles et des corsets à lacets... Les lumières s’éteignent et I want to break free de Queen retentit, quatre femmes déguisées en grand-mère arrivent sur scène, balais à la main. Changement de décor : la fameuse chanson de Marilyn Monroe, Diamonds are a girl’s best friend résonne, les tabliers tombent et les quatre femmes dansent maintenant le french cancan en bustiers à diamants. Nous sommes bien à un show burlesque ! Un mélange des genres condensé en quelques minutes où le spectateur traverse toutes sortes d’émotions, du grotesque au sublime.
C'est cela le burlesque: le glamour, les paillettes, les femmes, la sensualité… mais aussi les hommes (boylesque), l’humour, la trivialité, les imitations. La scène berlinoise accueille toutes sortes de performances, et sa variété attire les foules. Les hommes viennent regarder les femmes, et les femmes viennent aussi regarder les femmes, leur beauté et leurs costumes. « La foule est à 90% féminine », assure Louise The Breeze, stage manager de la plupart des spectacles burlesques de Berlin.
Le burlesque est un art de vivre
Un art de vivre, un art de tous les jours. Pour Sheila Wolf, productrice de l’un des plus grands spectacles de burlesque de Berlin, Vaudeville Variety Revue, « ce n’est pas du fétichisme, c’est de l’art. La plupart des gens voient le burlesque comme du strip-tease mais ce ne l’est pas, c’est une belle expression naturelle de l’art ».
Pour Sheila Wolf, il y a deux types de burlesque : le storytelling et le glamour. Le glamour, c’est Dita von Teese, comme tout le monde la connaît. Elle est extravagante, dominatrice, splendide. Le spectacle, c’est elle. Mais il y a aussi le storytelling, qui raconte une histoire sur scène, et cela ouvre les portes à toutes les possibilités. « Le burlesque c’est raconter une histoire aux gens, sur toi, sur ta vie sur les choses que tu aimes et avoir tous ces détails dans ton costume. Cela te rend expressif et superbe », explique-t-elle. Le storytelling est pour elle un moyen d’expression à part entière « parce que le public te regarde comme un chanteur, car le chanteur vous raconte une histoire de la vie, l’artiste burlesque qui fait un strip-tease raconte aussi une histoire. Donc si vous avez un artiste de burlesque qui raconte une histoire et qui a un très beau costume, je pense que c’est la meilleure chose pour s’exprimer. C’est ça le burlesque ». Elle se remémore son premier numéro autour de l’histoire de Titi et Grosminet. Sheila se déguisait en grand-mère et au fur et à mesure du spectacle – et du déshabillé - elle se retrouvait enfermée dans une cage, déguisée en chat !
Le burlesque est un art féministe
Au final, le burlesque est un art féministe. Les femmes dansent pour elles-mêmes et prennent possession de leur corps, en le mettant en valeur selon leurs propres désirs. « Le burlesque, c’est une forme de spectacle avec un peu plus de liberté que le ballet ou les formes de danse contemporaines, c’est très féminin et féministe », explique Louise The Breeze.
Et Sheila Wolf de préciser que tout le monde peut le faire. La seule règle, c’est « fait-le ». Il faut certes oser danser dans des tenues légères devant 50 à 500 personnes mais sinon il n’y a pas de règles, « tout le monde peut faire du burlesque », dit-elle. « La forme du corps n’a pas d’importance, le genre n’a pas d’importance, quelle pourrait-être la raison de ne pas le faire ? », demande-t-elle.
Berlin, la scène du burlesque, scène de la liberté
Influencé par des mouvements du XVIIème, des années 20 mais aussi des années 50 ou 60, la communauté burlesque est très présente à Berlin, avec la culture des cabarets et du mélange des genres. Sheila et Louise sont d’accord sur une chose : Berlin est le centre névralgique du burlesque. Les artistes viennent à Berlin car « ils y voient la ville, sa liberté, sa créativité et ils veulent vivre ici. C’est mieux que New York. La plupart des gens viennent à Berlin parce qu’ils y ont tous la possibilité de se produire. Nous avons entre 5 et 10 spectacles de burlesque par semaine, plus ou moins grands, nous avons beaucoup de théâtres », s’enthousiasme Sheila.
Louise est française et a emménagé à Berlin il y a quatre ans car « les possibilités y sont beaucoup plus développées et la scène est beaucoup plus active ». Une des danseuses du spectacle Die Gl’Amouresque, show typiquement burlesque de Berlin, n’échappe pas à la règle. « Ça fait six ans que j’habite à Berlin. J’étais danseuse au Friedrichstadt-Palast, j’y étais show girl, et il y a 2 ans et demi je me suis lancée dans le burlesque », raconte Coraline, Tara d’Arson de son nom de scène.
La plupart des performeurs ont quitté leurs jobs monotones et ont franchi le rideau de velours pour se retrouver face aux projecteurs. Non seulement parce que tous corps s’adaptent à tous les numéros mais aussi parce que le burlesque repose sur la variété des spectacles. « Le burlesque c’est hyper riche parce qu’on peut s’inspirer de toutes les époques de l’histoire, et créer plein de personnages : ça peut être drôle, ça peut être triste, ça peut être prenant… il y a une énorme palette », assure Tara d’Arson. Elle a sauté le pas il y a deux ans. Elle regardait les danseuses ébahie, et un jour, elle l’a fait. Elle a composé son propre numéro, formé son propre groupe, Die Gl’Amouresque, et a lancé son spectacle. Depuis 2 ans, le groupe de quatre jeunes femmes est de plus en plus demandé, une tournée est même prévue pendant les vacances. Le burlesque, un art à l'avenir radieux.
Par Sibylle Aoudjhane
Quelques évènements de la rentrée :
- Bar burlesque, show tous les week-end : Prinzipal Kreuzberg
- Vaudeville Variety Revue : 15 Octobre 2017
- Berlin Burlesque festival : 2-5 Novembre 2017
- Die Gl’Amouresque, spectacle mensuel
- Berlin Burlesque Academy, l’école du burlesque