Contrôles au faciès: la surprenante polémique allemande

La nuit de la Saint-Sylvestre à Cologne s'est déroulée sans incident majeur. Après les centaines d'agressions sexuelles de l'an passé, la police peut se montrer satisfaite, mais a reconnu et assumé avoir mené des contrôles au faciès. De quoi déclencher une vive polémique dans tout le pays. Mais pas dans le sens que l'on pourrait imaginer...

Il a fallu ce simple message sur Twitter pour mettre au second plan les congratulations de la police et du monde politique. "Devant la gare centrale, plusieurs centaines de Nafris sont contrôlés". Nafris, une abréviation désormais sur toutes les lèvres, qui signifie "Nord-Africains multirécidivistes". Posté par le compte de la police de Cologne le soir du 31 décembre, ce tweet a d'abord provoqué des réactions indignées. Amnesty International a dénoncé des contrôles fondés sur des critères de couleur de peau. La chef des Verts, Simone Peter, a mis en doute la légalité de ces contrôles qui ont visé 650 personnes, uniquement parce qu'elles avaient l'air d'être originaires d'Afrique du Nord. Mais à peine avait-elle dit cela que Simone Peter a déclenché une tempête de critiques dans les médias et la classe politique. La Bild Zeitung, le tabloïd réputé pour ne pas faire dans la demi-mesure, n'a pas hésité à la traiter "d'ignorante", "de minable", "de fondamentaliste et d'idiote".

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Simone Peter, chef des Verts © dpa

Le traumatisme de la Saint-Sylvestre 2015 à Cologne et dans d'autres grandes villes est toujours très présent en Allemagne. 1128 victimes dont 626 d'agressions sexuelles, 153 personnes visées par une enquête dont 149 étrangers, la plupart originaire du Maghreb. Et parmi ces derniers 68 demandeurs d'asile. Sans oublier un dispositif policier complètement débordé. Les consignes étaient donc très claires: éviter à tout prix le moindre incident. Objectif certes atteint mais la police en a-t-elle trop fait ? Wolfgang Mathies, le préfet de police de Cologne, a réagi en qualifiant l'utilisation du terme Nafri de maladroite. Mais il n'a émis aucune auto-critique sur ces contrôles au faciès. Peu importe la Convention européenne des Droits de l'Homme qui interdit toute discrimination en raison - entre autres - de la couleur de peau ou de la race. Une Convention que semble également avoir oubliée beaucoup de responsables politiques allemands.

 

Policiers lors de la Saint-Sylvestre devant la cathédrâle de Cologne. © Maja Hitij/Getty Images

La CSU a sorti l’artillerie lourde. Porte-parole des questions de sécurité intérieure chez les conservateurs bavarois, Hans-Peter Uhl a jugé ces contrôles "proportionnés, nécessaires et aussi conformes au droit". Avant de répondre à Simone Peter : "de combien de morts, de blessés et de femmes violées avez-vous besoin Madame Peter pour recouvrer la raison ?". Même son de cloche au SPD, bien que plus mesuré. "La police à Cologne a fait du bon travail", a souligné le chef parlementaire au Bundestag Thomas Oppermann. "Les leçons de 2015 ont été tirées". Et aux yeux de l'opinion, c'est bien le plus important.  

 

Par Julien Méchaussie

 

[MAJ 13/01/17] La police de Cologne a indiqué vendredi 13 janvier que parmi les 674 personnes dont l'identité a pu être vérifié le soir du réveillon 99 étaient de nationalité irakienne, 94 étaient syriens, 48 afghans, 46 allemands, mais qu'il n'y avait que 17 marocains et 13 algériens.