Une déconfiture. Les "Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident" (Pegida) semblaient pourtant avoir le vent en poupe. Ce mouvement anti-islam et anti-immigration, né de manière informelle au mois d'octobre, a rassemblé jusqu'à 25 000 manifestants dans les rues de Dresde, son bastion, obligé la chancelière à se positionner sur la question de l'intégration des musulmans, et semé le trouble chez les conservateurs de la CDU. Et puis, les ennuis sont arrivés.
Acte 1: les services de renseignement allemands font état de menaces précises émanant de réseaux djihadistes contre Lutz Bachmann, l'un des organisateurs de Pegida. La police décide d'interdire tout rassemblement à Dresde le 19 janvier.
Acte 2: la Bild Zeitung, un journal dès le départ très offensif contre Pegida, publie une photo du même Lutz Bachmann, grimé en Adolf Hitler. Il est contraint de démissionner immédiatement.
Acte 3: les autres responsables de Pegida se déchirent sur la suite à donner au mouvement, cinq d'entre eux démissionnent le 27 janvier.
Acte 4: la prochaine marche, prévue le lundi 2 février, est finalement annulée. Il y en aura peut-être une le 9 février, si l'on en croit la page Facebook du mouvement. Mais avec quelle mobilisation ? La dernière marche, dimanche 25 janvier, n'a rassemblé que 17 000 personnes.
Pegida vit sans doute ses derniers jours en tant que mouvement plus ou moins structuré, à tout le moins identifié. Mais cela ne fera pas disparaître la vague xénophobe et le repli identitaire que l'on observe depuis quelques mois en Allemagne. Sur l'islam par exemple, les Allemands se montrent de plus en plus hostiles. Ils sont 57 % à considérer aujourd'hui que cette religion est une menace pour le pays. Jusqu'ici, les questions d'immigration et l'expression d'opinions racistes étaient tabous. Les manifestations de Pegida ont été un déclencheur et dans les cortèges, sur les banderoles, la parole s'est clairement libérée.
Pegida n'est donc pas seulement une mauvaise blague, mais bien le reflet d'un mouvement profond dans la société allemande. L'essor du parti anti-euro et très conservateur AfD (Alternative für Deutschland, Alternative pour l'Allemagne), aujourd'hui crédité de 10% d'intentions de vote dans les sondages, montre que les forces conservatrices et extrémistes n'ont pas dit leur dernier mot. Angela Merkel a eu beau marteler que "l'islam appartient à l'Allemagne" (déclaration qui a suscité des remous au sein même de son parti...), et que le pays a besoin de l'immigration pour son développement économique, la chancelière est inquiète: cette vague xénophobe constitue un défi sans précédent aux fondements de la société allemande post-réunification.