Publiée quelques mois avant sa mort, une bande dessinée retrace le parcours exceptionnel du boxeur engagé, des premiers combats amateurs dans le Kentucky à la maladie de Parkinson qui vient de l’emporter.
Réaliser en bande dessinée la biographie d’une icône est un défi. Car une icône est déjà une image. Il faut donc figurer, redonner une forme à ce qui l’a déjà été aux yeux de millions de personnes. Mohamed Ali, multiple champion du monde, médaillé d’or olympique, longtemps resté invaincu est un boxeur de légende. Le champion, dont les obsèques ont lieu aujourd'hui dans sa ville natale de Louisville dans le Kentucky, a lutté plus de 30 ans contre la maladie de Parkinson. Un poids lourd qui, en s’élevant au rang d’icône planétaire, a imprimé nos rétines de portraits, de photos et d’attitudes ineffaçables. Car « le plus grand » comme il aimait s’appeler a su faire le show entre les cordes et en dehors du ring.
Amazing Ameziane, qui s’est donné un patronyme d’auteur digne d’un pugiliste, est le dessinateur de Muhammad Ali, biographie affûtée du champion aux éditions Le Lombard. Il a joué des poses-combat de l’athlète, des images télé, des affiches des galas de boxe, des couvertures de magazines pour réincarner l’icône et son époque. Le découpage, le lettrage et les couleurs qui s’inspirent des comics renforcent cette sensation de transport. Une mise en images efficace qui nous emmène bien au-delà du ring.
Car celui qui « volait comme un papillon et piquait comme une abeille» s’est aussi fait entendre avant et après les combats. La scénariste Sybille Titeux nous fait suivre sans concession son chemin de vie fait d’engagements aussi forts que retentissants. Mohamed Ali fut un infatigable militant de la cause noire, en lutte pour les droits civiques des Afro-Américains. Un temps compagnon de Malcom X, il se convertit à l’islam. Il fréquente la sulfureuse organisation politique et religieuse de la Nation of Islam. Il refuse d’aller combattre au Vietnam lançant devant une poignée de micros qu’aucun Viêt-cong ne l’avait jamais traité de nègre.
La biographie revient sur tous les combats importants de Mohamed Ali. Ils le mèneront à force de sang et de sueur à devenir une star sur tous les continents. Comme cette époustouflante victoire au Zaïre en 1974 contre George Foreman au 8ème round. Un combat organisé par un promoteur sans scrupule, Don King, et voulu par un dictateur coiffé d’un couvre-chef en léopard, Mobutu. Une rencontre animale de deux géants, à 4 heures du matin dans la moiteur équatoriale d'un stade aux 100 000 spectateurs à Kinshasa.
Les auteurs nous rappellent aussi que l’athlète, pour ses combats, tous ses combats, avait le verbe punchy. Le bon mot comme le mauvais. Usant de la guérilla verbale pour assurer le spectacle jusqu’à l’extrême, jusqu’à la nausée. Capable de traverser les Etats-Unis pour venir insulter en pleine nuit son futur adversaire Sonny Liston et déposer un piège à ours dans son jardin. Ou comparant le boxeur Joe Frazier à « un gorille puant faisant honte à tous les frères noirs ».
Mohamed Ali a été vénéré comme il a été détesté. Son style, sa boxe, son courage, ses convictions, ses défauts et ses erreurs autorisent pêle-mêle aversions et passions. Ses coups ont porté plus loin que le carré du ring, il est devenu une figure politique, médiatique et culturelle. Il a marqué de ses gants une page de l’histoire des Etats-Unis illustrée en quelque rounds d’une centaine de planches couleurs dans cette biographie réussie.
Muhammad Ali de Sybille Titeux et Amazing Ameziane. Le Lombard. 20 €