Le paradoxe de Pif est qu’il aussi célèbre que ses auteurs sont inconnus ou presque. Pour briser cet anonymat, je suis allé à la rencontre de son nouveau dessinateur, Richard Di Martino.
Il y a Hergé pour Tintin, Uderzo pour Astérix, Morris pour Lucky Luke mais qui a été le dessinateur de Pif ? Le moins méconnu est sans doute son créateur, José Cabrero Arnal. Son nom était rappelé en début de chacune des histoires du magazine communiste. Pif a vu le jour sous son crayon en 1948 dans L’Humanité. « Il y a eu ensuite une bonne dizaine de dessinateurs comme Roger Mas, Louis Cance ou Michel Motti. Il y a même eu un Italien, Giorgio Cavazzano, qui faisait un Pif un peu à la manière de Mickey mais avec des oreilles de chien. Il venait du camp adverse, il travaillait avant chez Disney ! », précise le réalisateur Jean-Luc Muller qui prépare actuellement un documentaire sur Pif.
Que s’est-il donc passé pour que ces noms n’aient pas la notoriété des pois sauteur du Mexique ? « Pif est un personnage assez transparent. L’univers n’est pas très identifiable et il n’a cessé d’évoluer. Le concept de Pif est plus célèbre que son personnage qui a été créé par un groupe de presse pas par une maison d’édition d’albums de BD. Les dessinateurs n’étaient pas des vedettes », explique le documentariste. Soit. Il n’en demeure pas moins que Pif se dessine encore aujourd’hui. Et pour son grand retour, dans le Super Pif spécial été, sous le trait d’un nouveau dessinateur : Richard Di Martino.
Il est issu d’une pépinière marseillaise de talents BD, le Zarmatelier. Il en fut le président pendant dix ans. Avec des voisins de crayonnés comme Bruno Bessadi (Bad ass), Eric Henninot (Carthago, XIII Mystery) ou Clément Baloup (Un automne à Hanoï). Il a réalisé Outre Tombe avec Jean et Simon Léturgie au scénario, Ingrid de la jungle, parodie sur la médiatique ex-otage des FARC Ingrid Bétancourt chez Fluide glacial et plusieurs albums chez Bamboo. Di Martino a dessiné un Pif à lui, un peu différent mais sans rupture avec les Pif qui l'ont précédé. Un récit où le héros se retrouve avec Hercule en lutte contre l'infâme Krapulax et son régime totalitaire. Il y a un peu de Terminator dans cette histoire...
Que ressent-on quand on reprend au dessin un personnage de BD aussi mythique que Pif ?
Richard Di Martino : « Il y avait beaucoup de stress quand j’ai commencé les premières planches. Pour quelqu’un comme moi qui a été bercé avec Pif, c’était très émouvant. Avec Spirou, il fait partie des personnages qui m’ont donné envie de faire la BD. Pour moi, Pif ce n’est pas rien ».
Pas facile de dessiner avec cette pression ?
RDM : « Malgré la pression, après quelques planches, on fait son travail et on se pose moins de questions. Pif n’est pas spécialement plus compliqué à dessiner qu’un autre personnage de BD. Il n’est d’ailleurs pas trop éloigné de ce que je fais habituellement. J’ai essayé de faire un mix entre le Pif d’Arnal et celui de Cavazzano que je lisais à la fin des années 70, début des années 80. J’ai eu en fait plus de mal à attraper le personnage d’Hercule ».
La rédaction vous a-telle imposé des choix, fixé des limites ?
RDM : « Ils m’ont fait une seule remarque. Ils trouvaient que mon Pif avait les oreilles trop longues alors je les ai raccourcies. Mais tout s’est bien passé, toute l’équipe m’a félicité. Le scénariste, François Corteggiani était aussi très content ».
C’est d’ailleurs le scénariste qui vous a proposé en premier de reprendre le personnage…
RDM : « Nous habitons la même région avec François. Dans un festival, il y a un an environ, je lui ai dit que j’adorais Pif. Il y a quelques mois, il m’a rappelé et m’a demandé si je voulais reprendre le personnage. J’avais pas mal de travail en cours que j’ai dû suspendre pour faire cette histoire complète en dix planches. Ce n’est pas ce qui a été le plus facile. Mais la boucle est bouclée, ce travail est un rêve de gosse qui s’est réalisé ».
Renseignements et souscription pour "De Vaillant à Pif Gagdget le film" de Jean-Luc Muller sur http://vaillant-film.blogspot.fr/