Pour son premier comics Marini joue le Joker et gagne avec Batman

Enrico Marini avait carte blanche pour le super-héros en noir de DC Comics. Le résultat donne un album au dessin époustouflant avec un effroyable Joker et ses clowns tueurs.

On savait depuis Les Aigles de Rome et Le Scorpion que l’auteur avait un talent graphique certain. Le trait est virtuose, les cadrages sont précis et les découpages donnent à ses albums un souffle épique digne des meilleurs récits d’aventures. Il restait peut-être à vérifier si ses qualités étaient solubles dans la formule comics d’une saga pour super-héros.

Autant l’avouer, de tous les super-héros, le Chevalier noir n’est pas mon favori. Même si je garde de très bons souvenirs d’albums étincelants de contraste comme The Dark Knight Returns de Frank Miller. Le Killing Joke d’Alan Moore au scénario et Brian Bolland au dessin est, dans sa version en noir et blanc éditée par Urban Comics, une autre merveille graphique. Dans ces deux albums, le Joker est un personnage clé. Car si Batman n’est pas mon préféré, du côté des super-vilains, le funeste comique est en haut du podium.

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Ce personnage créé en 1939, incarné par Jack Nicholson dans le film de Tim Burton, est fascinant de noirceur, délirant dans sa cruauté et touchant dans sa folie. Marini est aussi amateur du clown prince du crime. Tant et si bien que l’auteur italien lui a laissé le premier rôle. Accompagné par la délicieuse et folledingue Harley Quinn, ancienne psychiatre du Joker qui a fait du dément son amant. Les seconds rôles sont particulièrement soignés. La bande d’abrutis tueurs aux masques de clowns qui épaule le héros maléfique est fabuleuse. Et Gotham City a le gothique futuriste et flamboyant sous le trait de Marini.

C’est donc un comics sans faute. Sauf, peut-être, le nombre de planches qui donne un goût de trop peu. La série est prévue en deux tomes. Le premier ne fait que soixante pages de récit. Pourquoi n’avoir pas fait un one-shot plus épais de ce très bel album ? Sinon de contraindre le lecteur à patienter pour le prochain volume prévu pour l’été 2018 et à payer le prix de deux BD.

Enrico Marini est passé du Scorpion à Batman (Photo Francis Forget).

Enrico Marini est passé du Scorpion à Batman (Photo Francis Forget).

Sur ce premier volume où vous avez tout fait, dessin, scénario, couleurs et lettrage, vous semblez plus intéressé par le Joker que par Batman ?

Enrico Marini : C’est vrai, le Joker est très présent. Si ce personnage coloré impressionne plus le lecteur, c’est tant mieux. Batman est réservé, introverti. Il est obsédé par la chasse aux crimes. Il agit par moralité avec des méthodes qu’il essaie de ne jamais dépasser. Le Joker est son opposé. Il vit dans l’instant, ne connaît pas de limites. Il est très expressif et agit par envie. Il est tout le temps sur scène. Jusqu’à devenir de plus en plus violent, allant même jusqu’au gore. Il est quand même aussi très très malade.

Et drôle ?

Je trouve dommage que la dimension humoristique du Joker ait disparu dans certaines de ses histoires. Son côté clown marrant est intéressant. Ça lui donne de la personnalité. Le Joker drôle devient plus imprévisible avec des dialogues plus savoureux. Comme sa compagne Harley Quinn qui est aussi folle que lui.

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Harley Quinn, Catwoman et de nombreux autres personnages que vous avez aussi soignés dans le graphisme et les caractères…

Je tenais à ce que l’entourage soit travaillé. Batman est un super-héros sans superpouvoir. Il ne vit pas dans un monde fantastique mais dans un monde réel. J’ai utilisé l’entourage et ses possibilités, l’interaction des personnages et des scènes qui doivent rappeler le réel ou le quotidien. Avec dans la bande du Joker, un côté freak show assumé. Notamment avec ce nain suicidaire. Le Joker lui tape dessus, le maltraite. Ce n’est pas correct ce qu’il fait, il est ignoble avec lui.  Mais il l’épargne, il est comme ça le Joker.

L’éditeur américain DC Comics vous a laissé les mains libres pour vous approprier tous ces personnages ?

Ils m’ont ouvert les portes et m’ont dit : prends tous les jouets et fais-en ce que tu veux. J’ai eu vraiment carte blanche. Je leur ai présenté mon projet et ils l’ont accepté.

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Ce sont eux qui sont venus vous trouver ?

Non, le projet a débuté autour d’une table il y a trois ans environ. Je déjeunais avec François Pernot qui est le directeur général du Lombard et d’Urban Comics. Il publie les super-héros de DC en français. Au départ, c’était plus une plaisanterie. Je lui ai demandé si je pouvais reprendre Batman. Il m’a répondu que cela devait pouvoir se faire. Un an après, il m’apprend que les Américains sont OK. Cela m’a surpris d’autant j’avais oublié cette idée et que je travaillais sur d’autres projets et mes séries.

Au sujet de vos séries justement, Les Aigles de Rome et Le Scorpion, vous trouvez quand même le temps de les poursuivre ?

Pour Les Aigles de Rome, je suis sur le tome 6 actuellement. Je finis le tome 12 du Scorpion et après cette série continuera sans moi. Nous en avions convenu avec Desberg, le scénariste. Je ne sais pas encore qui sera le dessinateur qui me succèdera. On verra.

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La fin du Scorpion, c’est pour vous consacrer aux comics ? Vous ferez d’autres albums ?

Je n’ai pour l’instant pas d’autres projets de comics et je ne vais pas déménager aux US. Ce Batman est tombé au bon moment et c’était juste un plaisir personnel. Travailler sur un autre super-héros ne m’enthousiasmerait pas trop. Mais je n’exclue pas de revenir avec le personnage du Joker si je trouve le temps et l’idée.

Batman MariniBatman : The Dark Prince Charming, tome 1. Enrico Marini / DC Dargaud. 14 euros.