En marge de l’annonce officielle du programme 2017 d’Angoulême, le Grand Prix du festival s’est confié à Culturebox. Les amis, les emmerdes, les souvenirs et les projets d'Hermann, grogneur génial du 9ème art.
Hermann, sur la scène du studio 105 de la Maison de la Radio à Paris, s’est plié de bonne grâce au protocole de la cérémonie déroulant le programme du prochain Festival d’Angoulême. Il a tenu son rang, celui de Grand Prix. Même si l’auteur belge était fâché avec le festival depuis quelques années. Son nom circulant à toutes les éditions avant les délibérations du jury sans jamais réussir à obtenir l’ultime récompense. Agacé, le dessinateur avait jeté l’éponge et proclamé à qui voulait bien l’entendre : « D’Angoulême, j’en ai rien à f… ».
Une modification du mode de désignation qui fait appel au vote des auteurs pour désigner le Grand Prix a changé la donne. Et hop, le voilà couronné en 2016 et ce vendredi 9 décembre 2017, en mission officielle à la Maison de la Radio, pour égrainer ses souvenirs et vanter le Festival d’Angoulême. Ses amis auteurs et ses proches le confirment, il est heureux de ce Grand Prix. « Je ne m’y attendais pas du tout car je n'avais aucune chance de recevoir ce prix. Il y avait auparavant un insupportable copinage au sein du jury qui faisait que j’étais éliminé d’office. Mais j’ai été plébiscité par les gens du métier et ça m’a touché. Le prix, l’objet, je m’en fous, mais la sympathie qu’ils m’ont exprimé, ça n’a pas de prix », m’explique le lauréat après la cérémonie.
Content, il l’est aussi de son affiche. Il l’a réalisée sans utiliser ses héros : « Je ne voulais pas que mes personnages incarnent la bande dessinée. J’ai juste dessiné une caisse sur laquelle reposent leurs couvre-chefs. C’est une idée que j’ai empruntée à Saint-Exupéry et son Petit Prince avec la caisse du Mouton. Dans une caisse, vous y mettez ce que vous voulez, la BD ou Angoulême ». Figurent ainsi sur l’affiche les galurins des héros des séries mythiques d’Hermann : la casquette de Bernard Prince, le casque de Jeremiah, le chapeau de Comanche ou le heaume des Tours de Bois-Maury. En fond du décor, Hermann a posé un homme assis devant un paysage de désolation. Le trait de son pessimisme ? « L’être humain n’est pas prodigieux. Plus j’avance et plus je me suis fait b… par des soi-disant amis. Alors je ne me fais plus aucune illusion sur le genre humain. Je suis devenu comme ça au fil du temps mais peut-être avais-je déjà ce trait enfant. Dans les Ardennes, à 9 ou 10 ans, il m’arrivait de pleurer aussi tout seul sur un banc en pleine nature. Pourquoi ai-je eu ce penchant si tôt ? J’ai mis du temps à accepter que je pouvais pleurer ainsi seul dans les bois. Maintenant je ne cherche plus de réponse, je suis nettement plus dur », se confie l’auteur.
Des réponses, le lecteur pourra en trouver dans l’exposition que lui consacrera le festival à l’Espace Franquin. Cent soixante six planches seront exposées, extraites d’un stock prodigieux qui en compte plus de cinq milles : « Je ne me suis occupé de rien, ils sont venus choisir les planches. Franchement, ça me gonfle car maintenant il va falloir que je range tout », se souvient l’auteur. Une rétrospective qui devrait mettre en valeur la richesse graphique du dessinateur. Du Journal de Tintin en passant par les albums réalisés en tant que dessinateur et scénariste. Un demi-siècle de dessins. Des westerns, du polar, de la SF, des récits de pirates… L’homme a touché à tous les genres avec une inventivité et un trait sans cesse renouvelé.
A 78 ans, Hermann n’a pas perdu son appétit à dessiner en se lançant dans une série ambitieuse Duke. Un album par an d’un western qu’il signe avec son fils Yves H. au scénario. « Ce ne sera pas un western façon John Wayne qui étaient des films en fait un peu cons. Ce sera quelque chose de moins simpliste, de plus actuel, plus réel dans les rapports humains », raconte le dessinateur. A découvrir au Festival d'Angoulême du 26 au 29 janvier 2017 pour la sortie en avant-première du premier tome de Duke, La boue et le sang.