Rien ne va plus au sommet. Bill Watterson, l’auteur de Calvin et Hobbes, qui devait être le président en titre cette année ne se rendra pas au festival. Celui qui le remplace dans la fonction, Gwen de Bonneval, n’est pas d’accord sur la désignation du Grand Prix. Quant au président de la République, il a renoncé à venir…
En le nommant Grand Prix en 2014 et donc, comme il était d’usage, président 2015, le festival prenait sciemment le risque de ne pas voir le lauréat à Angoulême. Car il y a 20 ans que Bill Watterson a rangé ses crayons. Des années qu’il ne communique quasiment plus. Le maître américain du strip vit en ermite du 9e art, refusant adaptations ou déclinaisons de son Calvin et Hobbes. Il devait bien subsister une petite lueur d’espoir à Franck Bondoux, délégué général du festival, au moment de la désignation du Grand Prix l’année dernière. Mais rien n’y a fait, ni la renommée du festival, ni le prestige so french d’être le président.
Il faut admettre que la fonction de président à Angoulême n’est pas le summum du pouvoir. Le Grand prix et président 2012, Jean-Claude Denis, m’a confié qu’il fut très influent sur l’exposition qui lui avait été consacrée, qu’il avait donné quelques avis plus ou moins écoutés sur le reste des festivités et qu’il avait surtout passé beaucoup de temps en représentation. Bill Watterson a néanmoins réalisé l’affiche. Service minimum donc mais que le festivalier pourra compenser en allant contempler les quelques 200 documents qui composent la sobre exposition Watterson à l’Espace Franquin. Ou lire et relire Calvin et Hobbes à travers deux beaux ouvrages, bien fournis en strips avec ce qu'il faut d'explications : Le catalogue de l'exposition A la recherche de Calvin et Hobbes et Calvin et Hobbes Collector, tous deux édités par Hors Collection.
Il fallait donc trouver un remplaçant à Bill. Dans un élan démocratique, les organisateurs l’ont désigné : Gwen de Bonneval. Il est l’auteur de Messire Guillaume et de Bonneval pacha. Doté d’un certain talent, il est plus jeune et bien moins famous que l'américain Watterson. Pourquoi lui ? « Nous étions face à un problème quant à la désignation du Grand Prix et président, a expliqué Franck Bondoux lors de la conférence de presse d’annonce du festival, le 27 novembre à Paris. Si nous choisissions de donner le Grand Prix à un auteur reconnu pour l’ensemble de sa carrière, nous pouvions avoir un président qui ne soit pas forcément au fait de la BD d’aujourd’hui. Donc nous avons décidé de séparer le titre de président de celui de Grand Prix. Et Gwen de Bonneval nous est apparu comme un auteur complet et talentueux en phase avec la BD actuelle».
Après l’attentat à Charlie Hebdo, une vague pétitionnaire parmi les auteurs de BD s’est massivement levée pour attribuer le Grand Prix 2015 à la rédaction du journal satirique. Malaise chez les organisateurs qu’une désignation post traumatique n’enthousiasmait pas. Et trois auteurs finalistes étaient déjà en lice pour le Grand Prix. C’est alors que le président s’est retrouvé en dissidence avec le pouvoir central. Gwen de Bonneval s’est ouvertement rangé du côté des frondeurs. « Faire quelque chose pour la rédaction de Charlie et les vivants, c'était important. Et leur faire la plus grande place sans tergiverser aussi. Seul le Grand Prix permettait ça » écrit-il sur les réseaux sociaux.
Pour calmer la grogne, la parade a été de créer cette année un Grand prix spécial pour Charlie Hebdo et un Prix Charlie de la liberté d’expression. Le Grand prix spécial a été remis jeudi et réceptionné par le rafraîchissant fondateur des éditions BD L’Association Jean-Christophe Menu. Il a déclaré hors caméra selon nos confrères du supplément BD de La Charente Libre : « Tout se mélange avec tous ces hommages un peu foireux. On a juste envie de dire fuck ». Le Prix Charlie sera attribué chaque année à un dessinateur « dont l’oeuvre incarne une forme de résistance de pensée face aux idées reçues et/ou à la censure et/ou à l’oppression ». Il sera remis dimanche... aux dessinateurs tués de Charlie Hebdo !
La dernière déception présidentielle vient de Paris. Jusqu’à dimanche dernier, l’Elysée envisageait sérieusement un déplacement du chef de l’Etat à Angoulême. Ça devait être jeudi, jour de l’ouverture. Mais Angoulême n’attire pas les présidents. Le dernier à être venu au festival est François Mitterrand. Seule la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, se rendra dimanche à Angoulême. A elle de faire face aux auteurs en colère contre la paupérisation de leur profession. Ils vont manifester aujourd’hui, samedi après-midi, en stoppant les dédicaces pour aller battre le pavé angoumoisin.
A la recherche de Calvin et Hobbes. Catalogue de l'exposition. Editions Hors Collection. 19€.
Calvin et Hobbes Collector. Editions Hors Collection. 19€.