L'auteur argentin Jorge Gonzalez signe, avec Chère Patagonie, une BD hors norme au graphisme étourdissant qui souffle en 280 pages le destin de ses habitants, indiens, colons ou métisses, petites gens d'un territoire immense.

Jorge Gonzalez © Francis Forget

Jorge Gonzalez a le trait radical, Chère Patagonie se regarde avant de se lire. "Je fais un mélange de dessins au crayon, de pastels à l'huile et d'aquarelles que je retravaille ensuite sur ordinateur" explique le dessinateur. Sa Patagonie est sombre ou lumineuse, embumée et dominée par un ciel de nuages encore plus vaste que ses paysages. Les traits des silhouettes et des visages sont incertains, comme perçus à travers les mémoires nébuleuses et fragmentées de ses personnages. "Ce sont des teintes et des ambiances que j'ai observées et ressenties en Patagonie. Un territoire, grand comme deux fois la France, rude, fait de vide et d'immensité" précise l'auteur.

Chère Patagonie

Ses personnages sont des gens modestes, des sans grade de la grande Histoire : Indiens spoliés, colons violents, employés de ferme, épiciers de village, victimes de la dictature ou de l'exode rural, ex-nazi, ancien boxeur...Le récit couvre la période de la fin du XIXème siècle jusqu'à nos jours. Mais il n'est pas linéaire, assez chaotique même : "Mon travail est tout sauf organisé, il est improvisé, ma narration est jetée sur les planches" ajoute Jorge Gonzalez. La lecture est intuitive et fait basculer le lecteur d'une période à une autre mêlant fictions et faits historiques. Après Bandonéon publié en 2010 toujours aux éditions Dupuis, Jorge Gonzalez confirme avec ce nouvel album son génie graphique. Chère Patagonie n'est pas loin du chef-d'oeuvre.

Chère Patagonie