Selon des chercheurs de l'Université de Brown aux Etats-Unis les enfants autorisés à siroter de l'alcool avant l'âge de 6 ans seraient plus susceptibles de boire et de s'enivrer par la suite. Le Dr Mickaël NAASSILA commente :
«Des études précédentes ont déjà suggéré qu’un âge précoce de premier contact avec l’alcool est un facteur prédictif de l’usage d’alcool mais cette étude apporte plus de précisions en démontrant un risque plus élevé d’ivresse et d’intensification de la consommation en prenant en compte différents facteurs de confusion environnementaux et individuels, (comportement, tempérament, histoire familiale). Ces résultats ne peuvent être généralisés mais il est fort probable qu’on puisse retrouver ces conclusions en France.
Plusieurs travaux de recherche, dont certains réalisés en France, rapportent que le premier contact avec l’alcool a lieu au domicile familial et que ce sont les parents qui ont laissé leurs enfants goûter l’alcool, que ce soit lors d’une occasion particulière, ou non. On sait aussi que le style d’éducation parentale et que la posture des parents vis-à-vis de l’alcool a une influence importante sur les futures consommations. Les enfants dont les parents ont laissé faire seraient plus conscients de la disponibilité de l’alcool, seraient conditionnés à des normes dans lesquelles l’alcool n’est pas dangereux, et présenteraient peut-être un risque plus élevé face aux propriétés renforçantes de l’alcool. Plus que le simple comportement des parents c’est plutôt leur posture vis-à-vis de la consommation d’alcool par un enfant semble importante. De nombreux parents laissent leur enfant goûter du vin ou de la bière en pensant que si l’alcool n’est plus le «fruit défendu», l’appel des sirènes sera moins fort et le goût de l’alcool déclenchera une aversion vis-à-vis du produit. Ceci d’autant plus que les parents reconnaissent qu’ils subissent souvent la pression d’autres parents pour laisser leur propre enfant boire. Il s'agit d'une fausse croyance car des travaux ont démontré l’inverse. La permission de boire à la maison et la présence d’alcool sous la main dès l’enfance sont associées avec des risques accrus d’usage d’alcool, d’ivresse voire de "binge drinking" à l’adolescence. Le message à donner suite à ces études est donc plutôt d’être vigilant et de ne plutôt pas laisser ses enfants goûter l’alcool. Il semble aussi que la posture qui serait trop laxiste ou à l’inverse trop stricte et sévère sans expliquer pourquoi il n’est pas acceptable de boire de l’alcool à un âge trop jeune pourrait avoir l’effet inverse de l’effet recherché.
…Le vin comme la bière sont les boissons qui semblent être les plus goûtées dès l’enfance et il n’est pas question de donner un âge à partir duquel faire goûter de l’alcool à ses enfants n’est plus un risque. Les études montrent qu’un contact dès l’enfance et jusqu’à l’adolescence augmente le risque de développer une alcoolodépendance tout au long de sa vie. Ainsi il a été montré qu’avoir été en contact avec l’alcool avant l’âge de quinze ans multiplie par 2 environ le risque de développer une dépendance, (et par 5 le risque d’avoir par la suite un accident de la route lié à une consommation d’alcool), comparativement à une initiation plus tardive vers la fin de l’adolescence.
Au final il semble donc important de rester vigilant, cadrant et encadrant et de retarder au maximum l’âge de premier contact. L’idée que goûter l’alcool très jeune serait un facteur protecteur est illusoire. Tous les indicateurs sont au rouge concernant la consommation excessive d’alcool chez les jeunes, et les jeunes filles rattrapent même les garçons pour le "binge drinking". Il est impérieux de tout mettre en œuvre pour limiter les risques de «dérapage alcool» dès le plus jeune âge et les parents jouent un rôle primordial qu’ils sous-estiment souvent alors que leur enfant est exposé tous les jours à des publicités sur l’alcool même sur le panneau publicitaire de l’arrêt de bus à 10m de l’entrée de l’école primaire et dans l’indifférence générale des adultes».
Le Dr Mickaël NAASSILA est Professeur de Physiologie et de Biologie Cellulaire dans le Groupe de recherche sur l'alcool et les pharmacodépendances à l’Inserm, (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale).
Source : Atlantico.fr