Le nouveau Plan gouvernemental 2013-2017 de « lutte contre la drogue et les conduites addictives » a été adopté et rendu public le 19 septembre 2013. Il était d'autant plus attendu par la Fédération Française d'Addictologie (FFA) et ses associations membres que la FFA avait appelé à une évolution décisive des politiques publiques et de la législation, dès la publication de son Livre blanc de l'Addictologie française en juin 2011, en les adossant aux résultats de la science plutôt qu'à des enjeux idéologiques ; conformément aux recommandations de la Global Commission on Drug Policy, et au constat d'échec de la « guerre à la drogue ».
Partant d'un état des lieux alarmant : société addictogène, consommations en hausse, adaptation continue des trafiquants, vente sur internet, limite de l'interdit légal, menace sur l'économie et la démocratie etc., le chapitre introductif du Plan 2013-2017 promettait de «repenser les équilibres de notre politique de lutte contre les drogues et les conduites addictives» au moyen d'une stratégie pragmatique et ambitieuse.
A la lecture du Plan, force est de constater que le programme d'action n'est pas à la hauteur des enjeux de santé publique et de sécurité qu'il décrit. En renonçant à s'attaquer au déséquilibre entre les approches pénales et sanitaires, il perpétue l'effet de balancier qu'il déplore par ailleurs. Les mesures qu’il propose dans le champ de la prévention, de la réduction des risques, du soin et de la recherche, dont personne ne contestera l'intérêt, risquent d’apparaître davantage comme des mesures correctives des plans précédents que comme un véritable changement de logiciel attendu par l'ensemble des professionnels.
En tout état de cause, la FFA salue la reconnaissance par le Gouvernement des enjeux sociétaux et de santé publique qui peuvent être résumés par quelques chiffres : 13,4 millions de consommateurs réguliers de tabac, 8,8 millions d’alcool et 1,2 million de cannabis. Elle salue également la volonté affirmée d'assurer une prévention plus efficace, de favoriser l'acceptabilité sociale des usagers et des dispositifs, et de conforter la politique de réduction des risques et des dommages sanitaires et sociaux par des mesures d'amélioration de l'existant et quelques expérimentations très limitées.
Au-delà des orientations générales et mesures qui constituent un pas dans une nouvelle direction, la FFA constate que ce Plan reste à l'entrée du gué :
- il s'inscrit dans la continuité de la lutte contre "la drogue", en maintenant le projecteur sur les substances illicites plutôt que sur le tabac et l'alcool ;
- il n'ouvre pas l'espace du débat public devenu aujourd'hui nécessaire pour dépasser les positions passionnelles et idéologiques, et fonder la réflexion, la décision et l'action publique sur des données et des évaluations validées ;
- il reste imprécis sur le développement des dispositifs sanitaire et médico-social de soins et d'accompagnement, de la recherche et de l'enseignement ;
- il appelle également des précisions sur la déclinaison territoriale des missions de la MILDT, notamment son rôle de pilotage et de coordination auprès des préfets, et son articulation avec les ARS ;
- il reste muet sur une politique de taxation et de prix de l’alcool et du tabac qui est un instrument essentiel de régulation de l’accès à ces produits.
La FFA attend que le Plan gouvernemental, pour l'instant sous la forme d'orientations, passe des principes à la réalisation, ce qui implique de dévoiler rapidement les priorités et les moyens budgétaires dont la rumeur annonce un niveau dérisoire.
En l'absence de réformes structurelles fortes et dans un contexte de financements médiocres, on peut craindre qu'une fois de plus, ce Nième plan MILDT ne soit qu'un Nième coup d'épée dans l'eau, sans impact réel sur la hausse des consommations problématiques et leurs conséquences.
Le Bureau de la FFA