En 2014, cette théorie de l’escalade reste très présente et vient cautionner l’idée qu’une consommation de cannabis par exemple amènerait à une prise ultérieure de drogues dites dures comme l’héroïne ou la cocaïne. Un mot tout d’abord sur ce concept de drogues dures et douces. Nous avons longtemps considéré qu’il y avait deux types de toxiques :
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les produits comme l'alcool, le cannabis..., qui seraient des drogues "douces",
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la cocaïne, l'héroïne..., qui seraient à l'opposé des drogues "dures".
Ce concept, entres autres, a initié la séparation des structures dans les prises en charge : les C.C.A.A., (Centres de Cure Ambulatoire en Alcoologie) ,et les C.S.S.T., (Centres de Soins Spécifiques aux Toxicomanes). Le caractère licite et illicite des produits a renforcé cette dichotomie dans les prises en charges. N’oublions pas que nous sommes également dans un pays où le vin, considéré comme un produit noble, est présenté comme un complément alimentaire, (idée véhiculée et entretenue par les lobbys alcooliers), bon pour la santé, (les fameux flavonoïdes aux pouvoirs antioxydants).
La Circulaire du 28 Février 2008, (je passe sur les autres textes législatifs), a initié la mise en place des Centres de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie, (C.S.A.P.A.), mettant un terme à la distinction des prises en charges par produits. Si notre raisonnement se fondait sur ce schéma là, l’alcool serait alors la drogue «dure» par excellence, seul produit avec l’héroïne à générer une dépendance corporelle systématique chez les consommateurs réguliers et excessifs. Mais il existe, entre eux, une différence fondamentale. On peut mourir d’arrêter de boire sans encadrement médical, ce qui n’est pas le cas pour l’héroïne. L’alcool tue, mais il entraîne également des dommages parfois irréversibles sur le cerveau, le foie, le pancréas…
Pour ce qui est de l’escalade, voilà ce que nous pouvons lire sur le site CareVox :
«La consommation d’une drogue considérée à moindre risque comme le cannabis entraînerait l’usage de produits bien plus dangereux pour la santé. Un usage récréatif du cannabis mènerait à la consommation de cocaïne, puis d’héroïne».
De telles affirmations me laissent sans voix ! Bien évidemment la plupart des héroïnomanes ont consommé du cannabis et de l’alcool. Ils les utilisent même pour amortir ce que nous appelons la «descente», période très désagréable correspondant à la fin des effets du produit. Mais il est certain que tous les toxicomanes accro à l'héroïne, viendront y «taper», qu’ils consomment ou non de l’alcool ou du cannabis au préalable ! La plupart d’entres eux l’ont d’ailleurs fait, et c’est là que l’erreur d’appréciation s’initie. Si nous lisons le parcours d’un toxicomane par l’historique de ces produits, nous faisons une grave erreur d’appréciation et d’analyse. Comme je l’ai déjà dit, oui, un héroïnomane a consommé et consommera d’autres produits. Mais, à contrario, tous les patients dépendants à l’alcool ne viendront pas, (et heureusement), basculer dans d’autres toxiques. Le profil des patients dépendants est extrêmement complexe, mais ils ne choisissent jamais un produit par hasard ou par escalade. Ils utilisent surtout et avant tout les toxiques pour leurs effets psychoactifs, ces effets venant combler une difficulté particulière et précise dans leur fonctionnement psychique, (effet sédatif, euphorisant, stimulant, désinhibiteur, anxiolytique, hallucinogène...). Le parcours d’un patient dépendant ne s’inscrit donc jamais dans une logique d’escalade mais dans un lien avec un ou des produits qu’il va tisser et entretenir tout au long d’une vie d’enfermement et de souffrance, ne cherchant jamais à «mourir à petit feu» mais en tentant désespérément de survivre !