Revenons aujourd'hui sur quelques définitions essentielles pour comprendre les mécanismes des dépendances
L'addiction : le mot addiction nous vient du latin " addictus " qui signifie "esclave pour dette". Au moyenne age, un homme, ne pouvant rembourser ses dettes, devenait "esclave pour dette" en travaillant pour la personne lui ayant prêté de l'argent et ceci à la suite d'une sanction imposée par un juge. C'est donc dans son étymologie que se définit le mieux l'addiction: elle comporte la notion de contrainte du corps (mais pas seulement). De nos jours, ce terme est employé pour décrire un corps en situation de manque vis à vis d'un produit. On parle alors d'addiction quand la personne apparaît particulièrement vulnérable et qu'elle se comporte de façon compulsive en vue d'atteindre du plaisir ou soulager un manque par l'absorption d'un toxique (ou la répétition d'une action dans le cadre d'une addiction au jeu...)
Aujourd'hui, le phénomène addictif est considéré comme un état pathologique, c'est à dire maladif : il n'est pas dû à un manque de volonté (celle-ci n'est nécessaire que pour entrer dans un processus de soins), mais il se réalise dans les neurones, dans le cerveau. En effet, si le système de récompense, circuit du cerveau stimulé dans le phénomène addictif, est perturbé ou fait état d'un dysfonctionnement, la personne "addict" perd le contrôle et ne peut se passer de consommer son produit. Mais d'autres phénomènes peuvent l'expliquer, je reviendrais prochainement et plus explicitement sur cette notion d'addiction.
Dépendance : si le terme est souvent associé, voire interchangé avec le mot addiction, sa définition diffère néanmoins. La dépendance amène à l'apparition d'un syndrome de manque, ressenti quand le produit n'a pas été consommé depuis un certain temps. Elle est due à un déséquilibre du fonctionnement neurologique et en particulier à une molécule, la dopamine, appelée la "molécule du plaisir". En raison, entres autres, de ce déséquilibre, le sujet à la recherche d'une sensation de plaisir renouvelle sa consommation le plus souvent possible, ce qui lui permet, pour un temps, d'éviter les effets désagréables liés au manque.
On peut distinguer deux types de dépendances ; La dépendance psychique, la première à s’installer (pour soulager une souffrance, un malaise, une angoisse.....) et la dépendance corporelle dans un second temps (le produit peut devenir tout aussi indispensable au patient que respirer.....)
Accoutumance ou tolérance : l'accoutumance désigne l'adaptation de l'organisme au produit consommé. L'effet du produit diminue au fur et à mesure des consommations et la nécessité d'augmenter les quantités s'impose pour essayer de ressentir les mêmes effets. Ce phénomène s'explique par des mécanismes d’adaptation corporelle tel qu'une dégradation plus rapide de l'alcool par le foie par exemple. Pour certains produits, l’héroïne entres autres, la tolérance peut être très rapide (2 à 3 prises peuvent suffire)
Syndrome de manque : le manque est la manifestation du phénomène de la dépendance. Il se traduit par des symptômes physiques (tremblements, fièvre, accélération cardiaque, douleurs, vomissements, diarrhée etc... ) ou par des symptômes psychiques (irritabilité, agressivité, angoisse, dépression, etc... )
Le sevrage est à l'origine du phénomène de manque. Il consiste en un arrêt brutal de la consommation soit de façon volontaire (le sujet lui-même décide de se détacher de sa dépendance), soit de façon involontaire (contraint par le manque de produit ou l'impossibilité de le consommer pendant une longue durée). La période de sevrage peut être très désagréable puisqu'elle est celle où les symptômes liés au manque apparaissent et dont la durée est variable selon chaque individu. Un produit (et un seul !) reste à part dans le sevrage, l'alcool ! Son arrêt peut être mortel s'il n'est pas encadré médicalement (épilepsie, délirium tremens avec hallucinations visuelles, augmentation de la température corporelle....). Aucun autre toxique n'a cette particularité.
Le craving définit une envie irrépressible de consommer un produit dont le patient est ou a été dépendant. Il peut survenir à distance du sevrage, parfois plusieurs semaines, dure quelques minutes et reste excessivement difficile à surmonter. Il est assez souvent à l'origine de rechutes si le patient n'a pas anticipé son apparition et élaboré des stratégies pour "l'évacuer".