Bataille juridique autour de la salle de consommation à moindre risque de Paris

Face à l'ouverture à l'automne d'une salle de shoot dans le Xe arrondissement de Paris, une association« Parents contre la drogue », a décidé de monter au créneau sur le terrain juridique. Parents contre la drogue va ainsi déposer des recours devant le Conseil d'État et le juge judiciaire. «Il existe une loi qui interdit l'usage de stupéfiants en France. Au nom de quoi le permet-on dans le Xe arrondissement? s'insurge Serge ¬Lebigot, président de cette association de protection contre la toxicomanie. On va attirer les dealers, créer une zone de non-droit et au final légaliser la drogue ! » L'association, créée en 2003, critique aussi la méthode employée pour la mise en œuvre de cette nouvelle structure. «Il n'y a eu aucun débat au Parlement sur ce sujet ! Quand aux débats publics, ils ont toujours été menés par et avec des associations favorables à cette expérimentation.»

Certes, plusieurs associations de prise en charge des toxicomanes se disent favorables à cette «salle de consommation de drogue à moindre risque», notamment soutenue par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT). Le Conseil de Paris devrait ainsi autoriser en début de semaine prochaine le dépôt d'une demande de permis de construire au 39, boulevard de la Chapelle (Xe) sur un terrain appartenant à la SNCF et situé proche des voies derrière la gare du Nord.

C'est sur le terrain juridique, et non sur celui de la santé publique, que l'association « Parents contre la drogue », défendue par Me Guillaume Jeanson, a décidé de se placer. Dans le détail, une plainte contre X, pouvant être notamment le premier ministre Jean-Marc Ayrault et la ministre des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine, va être déposée ce jeudi au tribunal de grande instance de Paris. La même plainte sera déposée auprès de la Cour de justice de la République.

Motif principal: avec ce projet, ses promoteurs auraient «facilité, tenté de faciliter ou (se seraient) rendu complice de facilitation de l'usage de stupéfiants».Dans sa plainte, l'association argumente également que «la volonté politique d'ouverture d'une salle de shoot s'appuie sur des travaux d'un groupe dont l'impartialité semble faire défaut et sur une interprétation fallacieuse du rapport de l'Inserm».

Par ailleurs, l'association va présenter au Conseil d'État une requête en annulation pour excès de pouvoir contre le premier ministre. Argument: la décision annoncée le 5 février par Jean-Marc Ayrault «suppose ni plus ni moins d'enfreindre directement ou indirectement les lois qui prohibent de la manière la plus absolue l'usage de stupéfiants». Et d'avancer une «décision manifestement illégale, procédant du fait accompli et du passage en force». Reste à savoir les résultats de ces trois plaintes.

Car les aspects juridiques de ce dossier n'ont pas été négligés par ses promoteurs, loin de là. Dans l'entourage de Jean-Marie Le Guen, adjoint au maire de Paris en charge de la santé, on indique que la mise en œuvre de cette salle devrait être rendue possible par une modification d'un décret datant de 2005 sur les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD). Mais aussi par une circulaire pénale, pour adapter le dispositif policier autour de la salle. Ce qui ne nécessiterait donc pas de passage à l'Assemblée nationale.

En attendant, Jérôme Dubus, conseiller UMP du XVIIe arrondissement, déposera dès mardi un amendement à la délibération concernant le permis de construire de la salle. «Nous allons demander un sursis aux autorisations tant qu'un jugement sur cette affaire déposée par l'association Parents contre la drogue ne sera pas rendu», explique-t-il. Du côté des riverains, la grogne persiste. Président du collectif « Vivre gares du Nord et Est », Pierre Coulogner estime pour le moment n'avoir rien de concret pour attaquer en justice. En revanche, il dit étudier toute possibilité pour un recours. La bataille judiciaire autour de la salle de shoot ne fait donc que commencer.