Revenons un instant sur l'alcoolisation des jeunes. Elle touche de plus en plus les filles, qui, de ce fait, sont plus nombreuses à être victimes d'agressions sexuelles.
Réunis jeudi 16 Mai à l'initiative de la Préfecture de Police de Paris lors d'un colloque intitulé "Boire, trop boire, déboires", Elus, Gérants de discothèques et Représentants des forces de l'ordre dressent un bilan inquiétant : "plus précoce" et "plus massive", l'alcoolisation excessive des jeunes tend fortement "à se féminiser".
L'écart entre garçons et filles ne cesse de se réduire", confirme le Sociologue Chistophe MOREAU. Selon les chiffres divulgués début mai par le Bulletin Epidémiologique Hebdomadaire, (B.E.H.), chez les 18-25 ans, les garçons étaient 6,7 fois plus nombreux que les filles à connaître une "alcoolisation hebdomadaire importante" en 2005, un ratio tombé à 2,7 cinq ans après. De la même façon, 34% des filles disaient avoir été ivres au moins une fois en 2010, contre 19,8% en 2005. Pour une ivresse hebdomadaire, le chiffre a bondi de 1,8% à 6,1%.
Un Gérant de boite de nuit explique : "Elles arrivent avec beaucoup d'alcool dans leurs sacs, notamment dans des flasques", raconte-t-il, ajoutant avoir instauré depuis peu la fouille systématique des sacs des jeunes filles qui, souvent déjà alcoolisées avant d'arriver, font très vite preuve "d'agressivité et de violence". Dynamique de groupe, volonté de se désinhiber pour entrer plus facilement dans un processus de séduction, désir de dépasser ses limites pour conjurer le manque de confiance en soi, les jeunes filles cherchent de plus en plus à boire de l'alcool "très fort, très vite". Certaines, pour "rendre les effets de l'alcoolisation plus rapides et plus massifs", n'hésitent pas à jeûner avant de sortir faire la fête, raconte Thierry HUGUET, Chef de la Brigade des Stupéfiants à la P.J. de Paris.
Conséquences directes de ces comportements, les filles se trouvent davantage exposées aux risques de violences sexuelles. Aujourd'hui, les jeunes filles hyper-alcoolisées représentent ainsi le contingent le plus important des victimes d'agressions sexuelles. Dans une étude réalisée en 2012, Christophe MOREAU souligne que 13% d'entre elles déclarent avoir eu des relations sexuelles "subies" ou "qu'elles regrettent".
Le scénario est très souvent similaire : "Ces jeunes filles se réveillent le lendemain sans aucun souvenir de ce qu'elles ont fait ou subi", dit M. HUGUET. Les souvenirs réapparaissent progressivement sous forme de flashes. Très sensibilisées au phénomène de la "soumission chimique" ou "drogue du violeur, «la plupart sont alors persuadées d'avoir été droguées à leur insu". Or, dans "l'immense majorité des cas", rappelle M. HUGUET, les analyses toxicologiques réalisées quand les victimes portent plainte révèlent qu'il n'y a eu aucune prise de drogue, mais bien une alcoolisation aigüe.
La Psychologue Sandrine LARREMENDY raconte que les jeunes filles qu’elle reçoit dans son bureau de la P.J. de l'est parisien sont convaincues d'avoir été droguées parce qu'elles "ne conçoivent pas que l'alcool ait pu générer une telle perte de mémoire et de contrôle". Elles ressentent alors "un grand sentiment de culpabilité" entraînant souvent un repli sur soi et une peur à l'égard de toute vie sociale.