L'addiction vue côté cour de l'humour

"Je suis accro au net

11 fév 2012 à 18h54 par Anne-Sophie PICQUART BUCHSBAUM

Dans le ventre du Net, ce paradis virtuel, fenêtre sur le monde, forum grandeur nature, se cache un monstre. Une créature vilaine et vicieuse qui peut vous faire tout perdre…
 Bien installé devant votre joli ordi, sur Internet, vous naviguez. Sans mal de mer, vous trouvez des vacances ou une nouvelle machine à laver. Vous regardez des bandes-annonces ou des séries qui ne viendront jamais jusqu’à votre obsolète téléviseur. Vous comparez les offres, les services. Vous baguenaudez sur l’ère du XXIème siècle.

 
Vous conversez avec vos fameux amis de la Toile. Les réseauteurs de tous poils. Les acharnés du clavier, les virtuoses du pomme C, les génies du clic de souris.
Sur le Net, vous existez car pas question que la révolution vous passe sous le nez.
 
Vous avez commencé par Facebook, FB pour les initiés, l’excuse était toute trouvée. Votre famille United Benetton demeure aux quatre coins de la planète. Le père est outre-Atlantique, le cousin outre-Rhin, la belle-sœur outre-Quièvrain et les autres se partagent les continents. L’un est en Asie, l’autre à Tripoli, le troisième à Rio, la petite dernière est née au Canada. A croire qu’il n’y a que vous qui ayez décidé de rester à Paris.
 
A ce rythme-là, il est plus économique d’acheter des actions de la Poste que des carnets de timbres. Les lettres manuscrites mettent plus de temps que vous en avez et votre siège de bureau est plus que confortable.
 
Alors sur FB puis Twitter puis Viadeo puis sur d’autres encore, vous avez construit vos profils, vos adresses, vos photos. Le FBI, la CIA ou les RG n’auront pas grand-chose à faire pour vous retrouver. Vous avez laissé en chemin plus qu’une miche pain qui vous permettra de vous suivre à la trace.
 
Votre Toile est faite d’échanges multiples, de photos échangées, de LOL et de !!!! appuyés. Le pays de Oui-Oui existe, vous le vivez par écrans interposés.
Mais un jour, votre bel univers explose. Un ver dans la pomme, un grain de sable dans le système, un caillou dans la chaussure. Vous aviez bien senti que quelque chose clochait.
 
Votre fils Pierre ne vous parle plus que par sms, sa sœur Marie vous laisse des messages sur FB, Germain cache son ordi quand vous arrivez dans sa chambre… Mais vous vous êtes dit que cela était bizarre, mais sans plus. Vous auriez du vous rendre compte qu’un tsunami se préparait dans votre maison.
 
L’œil de la tempête a le regard noir de votre mari quand il rentre le soir et que vous êtes devant l’écran. Il ne dit rien, il se tait… Jusqu’à ce soir-là où il vous lance un tonitruant : «Mais quand est-ce que tu vas arrêter ? C’est une drogue, ma parole !»
Une droguée, vous ? Parle-t-il vraiment de Vous ? Celle qui n’a jamais pris un pétard par frousse de s’y accoutumer, celle qui dès quelques verres se met à danser la carmaniole au-dessus de la cuvette, celle qui s’est tenue bien loin de toutes les dépendances ?
Vous, une droguée ? Sur sa lancée, il ne peut plus s’arrêter de parler. Il paraît que vous êtes rivée à l’ordi chaque soir de la semaine, à faire je ne sais quoi, à parler avec je ne sais qui, à étaler votre vie qui par conséquent est aussi la sienne… Des reproches succèdent aux reproches. Ça y est, vous allez divorcer. Il invente n’importe quoi pour ne pas porter la faute. Ça arrive parfois, vous l’avez lu sur un forum destiné aux filles.
Mais pas le temps de lui répondre pour sauver votre couple en perdition car un ding vient de résonner. C’est Alexandre, votre collègue de bureau qui vous envoie un tchat…
Il a besoin de bois pour sa tour de légende.
Il faut que vous le lui donniez sinon il va perdre le bénéfice de ses diamants magiques !
Un instant, dites-vous à votre futur ex-époux et vous voilà à pianoter sur le clavier.
Trop, c’est trop, conseil de famille ! Vous voilà, face à tous les membres de votre tribu pour répondre du crime de consommation excessive d’internet.
Chacun leur tour, il vous accuse de dîner expédié, de conversations raccourcies, de dialogues interrompus…
Propre avocat de votre cause qui semble perdue, vous vous défendez. L’ordi, ce n’est que lorsque vous êtes seule, avant que chacun ne rentre, votre petit moment perso. C’est aussi un moyen de rester en contact avec votre famille et vos amis du bout du monde. Ils ne veulent rien entendre. Tout ça OK, mais les jeux !
Les jeux sur lesquels vous passez des heures à construire des châteaux en Espagne, des jeux pour lesquels vous soudoyez votre fille pour qu’elle accepte d’être votre amie et de vous donner des pignons ou d’être directrice d’un cirque de votre ville imaginaire. Des jeux où chaque tableau en amène un autre. Vous tentez de dire que vous n’avez pas dépensé un sou de la vraie vie pour continuer les aventures. Vous auriez mieux fait de vous taire car en chœur ils entonnent un «Ben, encore heureux !!!»
Tel Bill Clinton qui s’excuse devant la nation vous devez exécuter votre mea culpa.
Telle une petite fille prise la main dans le pot de confiture, vous devez jurer que vous ne le ferez plus. Vous fermez l’écran, vous prenez un bouquin et vous passez une excellente soirée… C’était aussi facile que cela !
Au moment de vous coucher, vous pensez à Alexandre… Il n’a pas reçu son bois ! "