Pourquoi "Captain America : Civil War" va déclencher une guerre chez les fans du comic

Doublement attendue après la déception engendrée par Batman v Superman, l’adaptation cinématographique du comic-book culte de Mark Millar risque de déstabiliser plus d’un fan. En cause, les (trop grandes) libertés prises par Joe et Anthony Russo (déjà aux manettes de Captain America : Le soldat de l’hiver) qui transforment ce Captain America : Civil War (dans les salles le 27 avril) en Avengers 2.5. De quoi provoquer une guerre civile à la sortie des salles, à défaut de se dérouler sur l'écran ? Décryptage d’une adaptation qui n’en a que le nom [AVEC DES SPOILERS DEDANS].

Parce que la dimension politique a disparu

Les fans de la BD parue en 2008 chez Marvel le savent déjà : Civil War est avant tout un crossover (une histoire qui fait se rencontrer des personnages de séries jusque-là indépendantes) profondément politique dans lequel s’affrontent presque tous les super-héros de l’univers. Née à la suite d'un accident mortel provoqué par quelques fous du collant, cette scission conduit à la création de deux camps rivaux que leurs idéologies opposent. D’un côté, la bande d’Iron Man, favorable au recensement des superhéros par le gouvernement (ratifié par les accords de Sokovie). De l’autre, celle de Captain America, fervent défenseur d’une liberté d’action incompatible, selon lui, avec un contrôle exercé par le S.H.I.E.L.D.

Revisitée par les frères Russo, cette impressionnante guerre civile se transforme en simple différend entre Tony Stark (Robert Downey Jr) et Steve Rogers (Chris Evans) au sujet de Bucky Barnes (Sebastian Stan), l’ami d’enfance de Cap’ transformé en tueur par le KGB dans Le soldat de l’hiver. Dans le comic, tout commence parce que des enfants sont tués lors du tournage d'une émission de télé-réalité où des super-héros ont voulu frimer. Il y a une vraie réflexion sur la médiatisation, rappelle Stéphanie de la librairie Pulp’s comics. Dans le film, l'histoire est transformée en affrontement entre deux personnages, on perd la portée du message."

Parce que c’est une "guerre civile" miniature

“La force de Civil War, c’est la quantité, rappelle Philippe de Comics Records. Dans le comic, les combats sont dantesques. Ce ne sont pas juste quatre mecs qui s’affrontent sur un parking Lidl.” Effectivement, sans Hulk, Thor, Les quatre fantastiques, Daredevil (contractuellement exemptés) et les centaines d’autres super-héros qui combattaient dans l'histoire imaginée par Mark Millar, difficile de parler de guerre, civile ou pas. On assiste tout au plus à une petite bataille d’Avengers, réhaussée par la présence hautement attendue d’un (très) jeune Spider-Man (prêté par Sony pour le meilleur), d’un grandiose Ant-Man et du petit nouveau, Black Panther, dont l’arrivée avait été annoncée dans Avengers : l’ère d’Ultron.


Si certains, comme Philippe, espéraient que des personnages soient incrustés au montage pour recréer l’effet de masse spectaculaire des combats dans le comic, c'est raté. “Il y a environ 300 personnages différents dans Civil War. C’est impossible à adapter au cinéma, rappelle Dynamo de Central ComicsDans une série, on aurait le temps d’introduire chaque protagoniste, mais dans un film, si c’est pour zapper d’un perso à un autre en 2h30, ça n’a aucun intérêt.” Pour la guerre, on repassera.

Parce qu’une guerre sans mort, ça n’existe pas

Il y a des morts importants dans Civil War. Sans elles, le comic perd son sens. Si Marvel ne va pas au bout, les gens oublieront qu’ils ont vu Civil War, craignait Philippe de Comics Records. Car Civil War est un véritable carnage dans lequel on dénombre pas moins de seize décès impliquant d’importants super-héros. Un choix radical qui n'a pas voulu être fait dans le MCU (l'univers cinématographique de Marvel), soucieux ne pas tuer la poule aux œufs d’or.

goliath

Parce que le film est quand même réussi

Finalement, le vrai problème de Captain America : Civil War est le trouble induit par son titre. S’il n’est en rien l’adaptation du comic éponyme, il n’en reste pas moins un très bon Marvel, déjà acclamé par la critique. Comme Philippe, qui ne fait “jamais le lien entre comics et son adaptation cinématographique”, on vous conseille d’éviter de relire Civil War avant la projection au risque de pester pendant tout le film, toute la noirceur du comic-book ayant été consciencieusement gommée par le rouleau compresseur à vannes du MCU. “Le dernier X-Men était censé être une adaptation pure mais n’en était finalement pas une. C’était tout de même un excellent film”, nous rappelle le patron de Comics Records. Promis, la prochaine fois, on ne se fera pas avoir.