Spécial vacances : 10 livres de poche à glisser dans sa valise cet été

Lectrice sur la plage de Saint-Nazaire, le 15 juillet 2014 (AFP PHOTO / JEAN-SEBASTIEN EVRARD)

Point d'hésitation : il y a toujours place, dans un sac de plage, pour un livre de poche judicieusement choisi afin d'ensoleiller un peu plus ses vacances. Tentative de liste idéale pour l'été 2015, avec ces dix romans à moins de dix euros, lus, approuvés, et chaudement recommandés :

1. La petite communiste qui ne souriait jamais, de Lola Lafon (Babel, 8,70 euros, 320 pages)

La petite communiste qui ne souriait jamais retrace, jusqu'à sa fuite à l'Ouest en 1989, l'ascension de l'étoile roumaine de la gym Nadia Comaneci, superstar des Jeux olympiques de Montréal en 1976. Derrière l'image des saltos aériens, un corps surentraîné et martyrisé, très au delà du supportable. Au firmament sportif succède, si vite, la chute dans une discipline où ne pardonnent ni seins ni hanches, ni rien de ce qui fait femme. Sur fond de rivalité sportive Est-Ouest au paroxysme, en cette fin de guerre froide, un livre accompli sur une destinée exceptionnelle, porté par l'écriture précise et émouvante de Lola Lafon.

(Et sinon de la même romancière : Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annonce).

2. Après la guerre, d'Hervé Le Corre (Rivages, 8,50 euros, 576 pages)

Bordeaux, années 50. Un homme - une ombre ? - qui a survécu à l'enfer des camps revient dans la ville où il a vécu jadis. Pour retrouver un enfant ou solder quelques comptes, alors qu' un flic pourri, ex-collabo, règne sur la ville ? Pendant ce temps-là, Daniel, vingt ans, dont les parents ont été déportés, sait qu'il ne va pas tarder à être appelé en Algérie en conscrit d'une guerre qui ne porte pas son nom. Musique lancinante,  personnages poignants, et une histoire qui ne se lâche pas : Meilleur polar de l'année 2014 pour le magazine Lire, prix amplement mérité.

(Et sinon, du même auteur : Les coeurs déchiquetés).

3. Réparer les vivants, Maylis de Kerangal (Folio, 7,50 euros, 304 pages)

Odyssée d'une transplantation cardiaque, Réparer les vivants raconte, au plus près, les vingt-quatre heures pendant lesquelles se relayent médecins, infirmières et tant d'autres pour faire migrer un coeur vers un autre corps et une seconde vie. Même soin du détail que dans le précédent roman de l'auteur, Naissance d'un pont, même usage vif du présent, même empathie avec ses personnages. Par sa précision d'écriture, Maylis de Kérangal réconcilie tous les publics autour de la dignité d'hommes et de femmes soudés par un travail d'équipe. Recette gagnante (dix prix littéraires).

(Et sinon, de la même romancière : Naissance d'un pont).

4. Au revoir là haut, de Pierre Lemaitre (Livre de poche, 8,60 euros, 624 pages)

Faut-il encore présenter Au revoir là-haut, le Goncourt 2013 signé Pierre Lemaitre ? Pour survivre, deux ex-soldats rescapés de justesse de la boucherie de 14-18 inventent une arnaque aux monuments aux morts. Tandis que ces grands blessés côtoient la misère, l'odieux lieutenant qui les a envoyés au casse-pipe pour gagner du galon, à huit jours de la fin de la guerre, s'enrichit par un beau mariage et de sordides combines. Inventif, imaginatif, construit en polar (spécialité de l'auteur) : six cents pages de plaisir. Seul bémol, très mineur : amis du Livre de poche, vous n'auriez pas pu trouver moins hideux, comme couverture ?

5. Terminus Belz, d'Emmanuel Grand (Points Seuil, 7,90 euros, 408 pages)

Comment l'Ukrainien Marko, immigrant sans-papiers, est-il arrivé dans ce bout du bout de la Bretagne, à Belz, port de l'île des Fous ? Il y a fui la mafia roumaine qui a juré de lui faire la peau. Son tort ? Avoir voulu arracher des griffes des passeurs la jeune Irina, lors du voyage clandestin qui les a menés en France. Mais on n'aime guère les étrangers à Belz, sur cette lande bretonne coupée du monde. Pire encore : on retrouve dans l'île, quelques jours après l'arrivée de Marko, le corps mutilé d'un insulaire. Marko est-il le coupable ou le bouc émissaire idéal ? Excellent polar, aux lisières du fantastique.

6. Vertiges, de Lionel Duroy (J'ai lu, 8 euros, 542 pages)

L'argument est mince : Augustin, écrivain et double non dissimulé de l'auteur, se sépare de sa compagne, Esther. Ressurgit dans sa mémoire la rupture avec sa précédente femme, Cécile, et un flot de souvenirs. Le narrateur égrène les paysages - Paris, Pays basque, Cantal ...- qui ont abrité cette longue histoire d'amour, les reportages de guerre, jadis, pour un journal (Libération, où travailla Lionel Duroy), et le poids du passé (flopée de frères et soeurs, mère jugée insupportable, et lumière tunisienne).  Cinq cents pages débordant d'émotion et de sincérité, posture efficace en littérature comme dans la vie. A prendre ou à laisser. On prend.

(Et sinon, du même auteur : Le chagrin).

7. Eux sur la photo, de Hélène Gestern (Arléa, 10 euros, 280 pages)

A 40 ans, Hélène retrouve dans un vieux journal une photo de sa mère, morte quand elle avait trois ans et dont elle ignore toutA ses côtés, un inconnu. Qui est-il ? La légende mentionne les deux noms, et les raisons de leur gloire fugitive : le couple a remporté le tournoi de tennis d'Interlaken (en Suisse) en 1971. Hélène réussit à nouer avec le fils de l'inconnu, Stéphane, une correspondance qui permet de reconstituer, comme un puzzle, l'histoire tragique et fragmentée de leurs parents. Beau roman sur un secret familial.

8. D., de Robert Harris (Pocket, 8,40 euros, 640 pages)

Quand il assiste à la dégradation du capitaine Dreyfus, le 5 janvier 1895, Georges Picquart ne sait rien de la machination qui a précédé. Mais, nommé chef du service de renseignement en juillet, cet honnête officier tombe sur un document prouvant que l'armée a menti délibérément en accusant Alfred Dreyfus de trahison au profit de l'Allemagne. Pourquoi cette manipulation?  Picquart réussira-t-il à sauver et réhabiliter cet innocent, condamné parce qu'il était juif ? Et si oui, comment ? Un palpitant thriller historique raconté à la première personne par celui qui a fait éclater la vérité.

9. Le club des incorrigibles optimistes, de Jean-Michel Guenassia (Livre de poche, 8,60 euros, 736 pages)

A l'aube des années 60, on jouait au baby-foot dans des cafés parisiens tenus par des bougnats bougons ayant parfois bon coeur. Fils de commerçants du Quartier latin, Michel écoute d'une oreille distraite ses cours au lycée Henri IV. Sa vraie vie est au café Le Balto, refuge de Russes en exil unis par leurs tourment passés et la passion des échecs. Fasciné par la vie de ces hommes qui furent, de l'autre côté du mur, héros de la guerre ou star de cinéma, l'adolescent tente de percer le secret de Sacha, l'exclu du groupe, le bouc émissaire rejeté avec violence. Un roman prenant comme ceux que le personnage principal, le jeune Michel, dévore en marchant, sans se soucier des voitures. On soupçonne que Jean-Michel Guenassia a écrit le livre pour l'enfant qu'il fut.

(Et sinon, du même auteur : La vie rêvée d'Ernesto G.).

10. Un certain mois d'avril à Adana, de Daniel Arsand (Libretto, 10 euros, 336 pages)

Avril 1909 en plaine de Cilicie, dans le sud de la Turquie. Dans la prospère Adana, avec ses champs de coton, ses vergers, et la Méditerranée toute proche, un vent mauvais se lève. Trois Arméniens, le poète Dira Mélikian, le joailler Atom Papazian, et le révolutionnaire, Vahan, voient monter la haine, l'intolérance et les premiers meurtres impunis, précurseurs du massacre à venir. En ce centième anniversaire du génocide des Arméniens en Turquie, en 1915, un roman envoûtant à inscrire sur son agenda de lecture, pour sa langue somptueuse et sa puissance épique.

(Et sinon, du même auteur : Que Tal)

Publié par Anne Brigaudeau / Catégories : Actu / Étiquettes : romans