La dernière campagne Nutella : du bad buzz à la com de crise

Le site de la nouvelle campagne publicitaire de Nutella permet de composer des messages, mais certains mots sont interdits. (NUTELLA)

Mais qu'est-il donc passé par la tête des équipes en charge de la nouvelle campagne Nutella ? Surmenage, overdose d'huile de palme, hara kiri viral ? Depuis ce mardi 24 février, les détournements de la campagne "Dites-le avec Nutella" tournent en boucle sur Internet. Une publicité dont se serait certainement bien passée l'annonceur. En quoi le lancement de ce site est un véritable flop ? La réponse en trois points.

1Parce que cette campagne n'avait, à la base, rien d'original

L'affichage de messages sur des produits alimentaires, cela n'est pas nouveau. Dès 2011, Coca-Cola avec "Share a coke" a offert la possibilité à ses consommateurs de remplacer le logo de la marque par un des 250 prénoms proposés. Résultat, une hausse des ventes grâce à cette pratique marketing née en Australie. Le célèbre chocolatier allemand, Milka, avait lui-même lancé l'opération "Dites-le avec Milka". Objectif ? Permettre aux fans de la marque d'inscrire un prénom sur une boîte ou une tablette de chocolat. Quant à M&M's, il offre toujours la possibilité aux gourmands de personnaliser ses cacahuètes chocolatées. Le moins qu'on puisse dire, c'est que cela ressemble beaucoup à cette campagne Nutella... Le point commun de toutes ces marques ? Jouir d'une notoriété très forte, qui leur permet de jouer avec le nom de leur marque pour la détourner, tout en s'assurant qu'on puisse -bien évidemment- la reconnaître.

2Parce que c'est une fausse bonne idée de jouer sur la communauté de "fans"

Remettre en cause le modèle vertical et descendant de la communication à la papa pour permettre la ré-appropriation -par ses utilisateurs- de la marque... le principe est louable dans un monde où la personnalisation extrême est érigée au rang de priorité afin de "cibler" les consommateurs. A ceci près que l'erreur technique -soit la révélation de la liste des mots interdits- est l'aveu même de la volonté de maîtriser totalement la communication. Avec une page Facebook totalisant 30 791 273, il est euphémique d'écrire que le produit compte de nombreux "fans". A titre de comparaison, François Hollande en compte 558 207 et Nicolas Sarkozy en totalise 1 012 588. C'est bien pour cette raison que Ferrero s'est engagé dans la voie -pourtant funeste- du buzz viral, en misant sur le fait que son importante communauté de "fans" reprendrait à son compte la campagne. Posséder une "communauté" sur le web est d'ailleurs une condition préalable de succès pour quiconque souhaite lancer des campagnes virales. Ce type d'opérations fonctionne assez bien auprès de "fans" de clubs sportifs par exemple. Mais c'était sans compter le manquement technique.

3Parce qu'à trop courir après le buzz, Nutella va devoir se mettre à la com' de crise

En proposant aux internautes de composer un petit message sur le célèbre pot, Nutella savait pertinemment que sa campagne allait être détournée et l'avait du coup anticipé. Normal, serait-on tenté de dire ! D'autant que le produit Nutella en lui-même est fréquemment soumis au feu des critiques. Ferrero avait déjà été obligé de lancer un site dédié "nutellaparlonsen.fr" pour casser les idées reçues dont elle s'estime victime. Ce que Ferrero imaginait moins que la liste des mots interdits allait être révélée par des internautes zélés. Cette énorme faille technique -une pensée pour l'entreprise "Providence" en charge de la conception du site-, depuis corrigée -la liste des mots interdits a été cachée-, tient du véritable acte manqué. C'est un aveu formel de tous les sujets qui fâchent Ferrero. Obésité, huile de palme, orang-outan... soit autant de sujets sensibles. Obligée de réagir rapidement, l'entreprise Ferrero est entrée dans une démarche de "communication de crise" en diffusant un premier communiqué : "Les messages négatifs ou insultants ont été directement supprimés du champ des possibles, l'idée étant de se servir du pot de Nutella comme d'un support de communication pour partager son enthousiasme." Et le groupe de poursuivre : "De la même manière, les mots désignant des communautés qui font souvent l'objet d'attaques de la part de personnes malintentionnées ont été retirés des propositions." Pour ce qui est des termes reprenant les attaques fréquentes contre la composition du produit et ses effets sur la santé, Ferrero explique qu'il s'agit "d'attaques injustifiées", ces "mots polémiques" ont été bannis "afin de préserver la convivialité de l'opération". Si la marque a compris qu'en cas de crise, il est impératif de "reprendre la main" sur le débat médiatique, pas une réaction sur le compte Twitter de Nutella et rien sur la page Facebook à cette heure. Certains internautes ont déjà commencé à réagir sur le post Facebook présentant l'opération. De quoi donner un peu de travail à l'agence de communication Havas, responsable des relations presse de Ferrero. Mais gageons que, comme tout buzz, il ne fera qu'un temps.

Anne-Claire Ruel

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