Samedi 2 aril 2016 : Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme

Samedi 2 avril 2016, c’est la 9ème Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme1.

L’objectif principal de cette journée est d’informer le grand public sur la situation actuelle de ce trouble, dans différents domaines (dépistage, diagnostic, prise en charge, scolarisation, accès à l’emploi, aspects politiques et juridiques, etc.).

Pour connaitre les différents évènements qui auront lieu en France dans le cadre de cette Journée, vous pouvez vous rendre notamment sur le site de l’association Autisme France.

A titre d’exemple, un évènement sera organisé ce samedi au Parc Floral de Paris. J’y serai, aux côtés de l’association La vie en bleu.  

L’autisme en France : le travail des associations de parents

On sait que notre notre pays a malheureusement beaucoup de retard en ce qui concerne la prise en charge de l’autisme. Les choses « bougent » doucement. C’est d’ailleurs en grande partie grâce à la mobilisation des familles et des associations de parents. Face à la pénurie en matière d’accompagnement de leurs enfants en France, les familles ont dû « construire » des ressources et « importer » des solutions qui n’existaient pas dans notre pays. Pourtant, ces solutions existent et sont utilisées dans d’autres pays depuis des décennies. Ces solutions sont même recommandées par la Haute Autorité de Santé (HAS) depuis 2012. Parmi ces recommandations, on trouve une pratique dont on entend parler de plus en plus en France : l’ABA.

L’ABA, c’est quoi ?

L’ABA est une science riche et complexe. Il est très difficile d’en faire un résumé en quelques lignes. Ce que l’on peut dire :

  • ABA  veut dire : Applied Behavior Analysis (en français : analyse appliquée du comportement).
  • C’est un champ de recherche en science qui a commencé à se développer il y a plus de 50 ans.
  • L’ABA se base sur les principes fondamentaux du comportement humain découverts il y a plus de 60 ans.
  • C’est l’application de ces principes pour tenter d’améliorer les comportements de nos contemporains afin qu’ils puissent s’épanouir le mieux possible en société.
  • Connaître les principes qui régissent nos comportements nous aide en effet à mieux adapter nos prises en charge à la spécificité des personnes avec autisme ; mais pas seulement…
  • C’est aussi une ressource inestimable et inépuisable (puisque, comme toute science, l’ABA est en développement constant) pour l’amélioration des comportements humains et de nos sociétés.
  • Ce n’est donc pas une méthode ou un livre de recette dédiés uniquement à la prise en charge des personnes avec autisme.

Pourquoi l’ABA est-il encore si décriée en France, malgré les recommandations sanitaires ?

Les recommandations de la HAS sont encore difficilement acceptées par beaucoup de professionnels de santé en France dont la culture est souvent très éloignée des principes fondamentaux d’apprentissage du comportement humain.

Deux obstacles principaux :

  • La psychiatrie française, les universités de psychologie, les écoles d’éducateurs, d’infirmiers ont pour socle d’enseignement les théories dites mentalistes (dont la psychanalyse fait partie) et une majorité de professionnels s’inscrit donc dans ce courant. Mais la psychanalyse est beaucoup plus qu’une approche thérapeutique, c’est presque un folklore : complexe d’oedipe, refoulement, pulsion, névrose, divan, etc. sont des terminologies qui font partie de notre quotidien et sont souvent utilisées pour justifier nos actes. Sans compter que les idées issues du comportementalisme sont très différentes de celles de l’approche classique dans leur formulation, c’est pourquoi les institutions françaises du soin psychique ont vu d’un très mauvais œil l’arrivée en France de ces théories comportementales, mal comprises…
  • Et là, le deuxième obstacle, majeur à mon avis : au-delà d’une difficulté à changer des pratiques si bien ancrées dans la culture du soin, les théories comportementales sont également complexes à appréhender de par les conceptions philosophiques qu’elles véhiculent. Alors que la théorie freudienne plaçait l’origine de nos comportements « à l’intérieur de l’individu » (nos actes seraient déterminés par nos conflits internes), le comportementalisme déclare au contraire que nos comportements sont entretenus par notre environnement qui en est la cause, allant même parfois jusqu’à remettre en question l’existence du libre arbitre.

On voit donc bien que même si l’ABA est recommandée par les autorités sanitaires, il faudra du temps pour changer les mentalités et former les professionnels. C’est une nouvelle culture des institutions de soin, une nouvelle vision de nos comportements qu’il faudra peu à peu modifier.

On a l’impression que les médias diffusent de plus en plus d’informations au sujet de l’autisme. A leur façon, il peuvent aider les familles dans leur objectif de faire évoluer les mentalités autour de la prise en charge de l’autisme dans notre pays. Mercredi dernier, une soirée spéciale était d’ailleurs programmée sur France 2.

Mais une des clés de l’amélioration de la situation en France reste à mon avis la formation des professionnels.

La formation des professionnels

Les pouvoirs publics doivent prendre conscience qu’on ne forme pas des professionnels aux « bonnes pratiques » en claquant des doigts. Ces fameuses « bonnes pratiques » recommandées par la HAS sont en effet d’un tel niveau de complexité qu’une formation correcte des professionnels prend du temps, beaucoup de temps (au moins plusieurs mois, voire années).

Pour faire les choses bien, il faudrait donc former les professionnels de santé dès le début de leur cursus (dans les écoles ou les universités). Le problème, c’est qu’aujourd’hui en France, seule une poignée d’Universités propose des formations en science du comportement. Pourtant, il y a beaucoup de potentiel : entre 3000 et 4000 psychologues arrivent chaque année sur le marché du travail. En fonction des spécialités, il leur est très difficile de trouver un emploi. L’université forme donc aujourd’hui beaucoup trop de psychologues pour des spécialités ou des fonctions déjà saturées sur le marché du travail.

La prise en charge de l’autisme est une spécialité pour laquelle les psychologues sont aujourd’hui submergés par les demandes d’aide de la part des familles. On constate donc une mauvaise adéquation entre la formation universitaire et les besoins sur le terrain.

Pour changer durablement les pratiques en matière de prise en charge de l’autisme, il faudra donc certainement en passer par le développement des formations universitaires, en psychologie, mais aussi en médecine, dans les écoles d’éducateurs, etc.

  1. Résolution adoptée en 2007 par l’Assemblée Générale des Nations Unies.