En préparation de l'émission "Victoire de Trump : Echec des médias ? Emprise des réseaux sociaux ?", nous avons demandé à notre réseau de guetteurs de nous livrer leurs réflexions sur la campagne présidentielle américaine, vous pouvez lire leurs contributions ci-dessous et en image aussi avec ce dessin de Catherine Créhange.
« Les électeurs américains ont pris à contre-pied les « faiseurs de rois » que sont les instituts de sondage, les médias, les artistes, beaucoup de politiques, les apôtres de la pensée unique et une très grande partie d'entre nous. Le peuple américain, après le peuple anglais, a livré un message que tous devraient méditer...
Alors, quelle est la part des médias dans tout ça?
Qu'ils soient américains ou étrangers, ils ont fait leurs choux gras des outrances de Trump, lui offrant par là une visibilité et une tribune considérables. Trump a eu plus de visibilité grâce à ses outrances tout en dépensant moins...
En France, les médias ont une coloration partisane plus ou moins affirmée, mais très peu appellent ouvertement à voter pour tel ou tel candidat. Aux US plusieurs médias ont explicitement appelé à voter pour Hilary. Je considère que ce n'est pas le rôle de la presse de donner des consignes de vote. Ce "tout sauf Trump" a probablement heurté l'Amérique profonde, ce peuple qui justement trouve en Trump un soutien et une écoute. Ce peuple qui, comme en Angleterre avec le Brexit, en France avec le FN…ou encore ailleurs dans l'UE, à la sensation de ne pas être entendu et a même la sensation que les élites prétendent lui dicter ce qu'il doit faire ou penser. Donc, les médias, la presse, ont certes joué un rôle, mais je pense que ça s'est plus probablement passé entre, disons pour simplifier, "les élites" et les "classes populaires" »
« Je suis inquiet sur le visage de la démocratie que donne les élections américaines à travers les candidats surtout Trump. C'est catastrophique.
Je suis aussi inquiet aussi de constater que de nombreux citoyens ne réfléchissent pas plus et s'arrêtent à des slogans parfois mensongers. Pourquoi de nombreux citoyens s'arrêtent sur des slogans sans contenu?
Certes il y a aussi des problèmes de chômage et de faibles revenus dans certaines régions mais qui n'explique pas une adhésion à de tels slogans…»
« Autant j’ai été passionnée par la campagne de Barack Obama et son élection. Celle-ci retient nettement moins mon attention.
Cette campagne est bien différente et son mode de traitement médiatique aussi.
Vu de l’extérieur, on a l’impression que cette campagne se fait « à la marge » dans ce qu’elle a de plus sordide parfois aussi.
Ce qui occulte les questions vraiment importantes à aborder. Le traitement médiatique reflète la campagne actuelle.
Les provocations de D. Trump : Un grand déballage…jeté en pâture aux téléspectateurs. On semble parler de tout sauf de politique dans cette campagne américaine si l’on se réfère au traitement médiatique qui en est fait. Ici et là-bas…»
« Les élections américaines montrent de façon caricaturale ce qui se passe à peu près partout. Le débat politique n’existe pratiquement plus, en France comme ailleurs. L’exemple récent du « Brexit » montre clairement que le débat était en grande partie fantasmé. En France le débat des primaires n’est qu’une longue nuit des longs couteaux rien sur les programmes et l’économie, et ceux qui les connaissent ont de quoi être terrifiés sur ce qui se prépare réellement dans l’indifférence générale.
Côté média ce n’est guère plus encourageant »
« De la manière dont sont présentées les élections américaines en France, les médias en concluent systématiquement (sans l’exprimer forcément de cette manière) que la moitié des votants américains est stupide (rendez-vous compte, ils ont voté Trump !) et l’autre gentille (rendez-vous compte, ils n’ont pas voté Trump !)...La simplicité apparente des enjeux américains nous échappe car, en réalité, elle doit être beaucoup moins simpliste que ce que nos filtres médiatiques nous laissent imaginer. Quant à la presse, oui, elle fabrique ou détruit – aux USA certes un peu plus qu’en France »
« Après un président américain issu de la communauté noire, tout un symbole, un président multimillionnaire business man, un autre symbole américain.
Les médias américains sont aussi démesurés que les campagnes des candidats à la présidence des Etats-Unis d'Amérique…
Si les problèmes politiques ne sont pas considérés comme d'importance, c'est tout simplement parce que la presse américaine a déjà compris l'enjeu d'une élection : rien ne changera vraiment beaucoup au niveau politique et ce qui compte c’est le candidat lui-même. Qui est-il? Que peut-il vraiment?, Et surtout quel est son passé? Les médias s'emparent de la vie d'un candidat et la décortique progressivement dans les moindres recoins. Oui les médias américains ont cette capacité de créer ou de faire émerger une personne voire un personnage aux Etats-Unis, en version show télé-réalité…
Je pense que c'est très bien que nos médias français fassent un grand relai de ces campagnes, de cette élection, de cette manière de fonctionner. En France, on commence très doucement à y glisser avec les fameuses "primaires". C'est un premier pas vers ce mode de fonctionnement loin de nos codes européens.
Est-ce que les médias doivent réellement autant influencer une élection? Le devoir d'informer oui, mais le "devoir" d'influence non.
C'est un problème qui se pose aux Etats-Unis et qui pourrait se poser en France un jour »
« Permettez-moi d'abord de revenir sur la campagne elle-même : elle a pu paraître violente à certains observateurs ; je pencherai plutôt pour l'idée que la violence systématique des élections présidentielles américaines (autorisant notamment les spots de publicité négative dénigrant l'adversaire) s'est transplantée sur les plateaux "officiels" des médias.
Ce qui est beaucoup plus inquiétant, c'est l'attitude des médias américains, européens et la faiblesse des instituts de sondages.
Les médias américains prennent souvent parti pour l'un ou l'autre camp. Ils étaient pratiquement tous pour Mme. Clinton.
Plus surprenant, les médias européens nous ont vendu la même marchandise jusque sur la télé française.
Que l'on me comprenne bien : je n'étais ni pour un candidat, ni pour l'autre : ils représentaient tout ce que j'abhorre en politique des élections présidentielles américaines.
… Je suis de plus en plus convaincu que les sondeurs ont mal travaillé et que la plupart des journalistes, y compris français, ont eu des œillères. Chaque fois qu’un élément pouvait laisser accroire aux chances de Trump, ils l'ont ignoré. Ce Monsieur avait déjà déjoué tous les pronostics en gagnant les primaires républicains contre 11 rivaux et pratiquement tout un parti !
Ne parlons pas de la souffrance des peuples, qu'ils n'ont pas perçu aux Etats-Unis, comme ils ne la perçoivent pas à Bruxelles, Paris ou Berlin.
Les médias parlent de notre vie, qu'ils ne partagent pas"
« Cette élection me semble à la fois porteuse d'enseignements, et très particulière, voire singulière.
On peut penser que c'est la victoire de l'argent, en la personne d'un milliardaire qui revendique sa richesse. Mais il a aussi triomphé grâce à sa connaissance et son habileté à se servir des réseaux sociaux…Mais il ne suffit pas de se montrer pour être élu, il faut aussi pouvoir rassembler énormément de monde sur son nom. On croyait que ses diverses attaques misogynes, sexistes, xénophobes voire racistes auraient dû lui aliéner une partie substantielle de l'électorat ainsi attaqué. Or, même les destinataires de ses attaques ont voté pour lui, ce qui peut paraître surprenant.
C'est cette surprise qui doit conduire à analyser le vote différemment. En fait, Donald Trump n'a pas été élu malgré toutes ces attaques, mais grâce à elle.
Il a su, très habilement puisque le résultat lui a donné raison, revêtir les habits d'un candidat qui n'est pas comme les autres, qui n'est pas un homme, ou une femme politique au sens habituel du terme.
Mais justement, parce que je ne suis pas un homme politique comme les autres, comme ceux qui vous font de belles promesses depuis trente ans et vous oublient quand ils sont élus. Mais justement, parce que je ne suis pas comme les autres, moi je ne vous trahirai pas. Il a su être le vecteur des angoisses de tous ceux que la "mondialisation heureuse" effraye. Je pense donc que la victoire de Donald Trump est liée à des facteurs très singuliers, qui ne sont pas forcément reproductibles…»
« Je me permets de vous écrire sur l'aspect suivant : concernant la lecture des sondages par les médias, on "feint" de s'interroger sur les erreurs des instituts à propos de la victoire de Trump. Certes, les instituts fournissent les données et parfois des analyses, mais ce sont les médias qui font les titres et les commentaires. La responsabilité de l'erreur est au moins partagée… »
« Vu de France, la couverture médiatique de ces élections était largement défavorable à Trump. On avait peu d'éléments pour juger de l'intérêt réel d'Hillary Clinton tant la seule raison valable de voter pour elle semblait être de ne surtout pas voter pour Trump.
C'était un véritable "bashing" vis à vis de Trump, jusqu'à se demander comment les Républicains avaient pu lui laisser la responsabilité de les représenter.
Pareil pour les sondages. Ils n'ont évolué en faveur de Trump que tout dernièrement après avoir donné Hillary gagnante tout au long de la campagne.
Par ailleurs, difficile de se faire une idée précise du bilan d'Obama et du programme de Clinton en matière de politique étrangère. Alors qu'on sait tous ce que veux faire Trump en Syrie, avec l'Iran et comment il compte gérer l'immigration.
Les médias ont largement montré Trump comme quelqu'un de raciste, sexiste, populiste, ingérable et sans scrupule…
Sa victoire est la preuve d'une faille abyssale entre les médias, les organismes de sondages et la réalité sociétale.
Mais que peuvent faire les médias pendant les élections lorsque (et on observe la même chose en France) ceux qui occupent la scène politique, à défaut d'avoir une solution constructive aux drames qui nous affectent, se répartissent essentiellement autour de deux stratégies :
- jouer la carte du populisme et désigner des coupables
- dénoncer ceux qui jouent la carte du populisme et culpabiliser les électeurs
Les médias politiquement corrects sont jugés coupables de relayer une pensée unique, de vouloir transformer les citoyens en "mous du genou tiédasses". Les bien-pensants n'ont jamais été aussi méprisés. Quand on écoute les discours des populistes (Trump, Le Pen, Sarkozy...) ils sont bien plus discrédités encore que ne le sont les musulmans.
Mes amis, mon entourage et moi-même (comme beaucoup de français) éprouvons beaucoup d'inquiétude au sujet de ce que les élections américaines peuvent annoncer des nôtres au mois de mai prochain.
Merci de toujours nous donner la parole »