Le communiqué de presse des éditions Kazé prévient d’emblée : The Promised Neverland est "LA sortie manga incontournable de 2018". D’ailleurs, l’éditeur français a fait les choses en grand. Kit presse en forme de maison remplie de goodies et soirée de lancement dans un hôtel particulier parisien, chez VIZ Media Europe, le groupe qui gère les éditions Kazé, on mise tout sur cette nouvelle licence fraîchement publiée depuis août 2016 dans Weekly Shônen Jump, l’hebdomadaire japonais de référence pour ce qui est des shônen, ces mangas destinés aux jeunes adolescents.
Et pour cause, le premier tome de The Promised Neverland s’est hissé à la deuxième place du podium au rayon des nouveautés 2017, juste derrière Cardcaptor Sakura - Clear Card, la suite attendue d’une série shojo ultra culte. Mais que cache réellement cette grosse hype épaulée par de solides ambitions marketing ? Pop Up’ est allé à Tokyo, à la rencontre de ses auteurs.
Un scénario inspiré des films d'évasion
Pour les enfants de l’orphelinat Grace Field House, la vie est un long fleuve tranquille. Sous l’apparente bienveillance de celle qu’ils appellent tous Maman, les 38 pupilles grandissent au rythme d’un quotidien immuable. Réveillés aux aurores, ils occupent leurs journées entre tests d’intelligence dignes des meilleurs quiz de la Mensa et des parties de loup endiablées. Mais qui est en réalité Maman ? Pourquoi les enfants ont-ils tous un numéro tatoué sur le cou ? Et qui y a-t-il au-delà des barrières qui bordent le domaine de Grace Field ? A 11 ans, les aînés Emma, Ray et Norman découvrent subitement que leur réalité est en fait digne des films d’horreur. Et ces trois petits génies vont tout mettre en œuvre pour s’en extirper.
Un "shônen" atypique
Même s’il est prépublié dans Weekly Shônen Jump - dans lequel on trouve également le best-seller mondial One Piece - The Promised Neverland est un shônen différent de la production actuelle, qui reprend les codes historiques du genre."The Promised Neverland possède un style très différent de celui que l’on trouve habituellement dans le Jump. On est sur un manga d’évasion qui mêle des thématiques diverses comme la fantasy, le mystère et le suspens" nous explique son éditeur japonais.
Une prise de risque que la Shueisha, le plus gros éditeur de mangas au monde, a minimisé en insufflant au scénario de départ des éléments puisés dans les titres historiques du Jump. "On voulait reproduire un style publié autrefois, lorsque le héros surmontait les difficultés avec ses amis. Historiquement, les valeurs de solidarité étaient très importantes dans le Jump et c’est avec celles-ci que nous voulions renouer avec The Promised Neverland. Kaiu Shirai, son scénariste, confesse d'ailleurs être fan de films d'évasion et cite volontiers Papillon, le film de Franklin J. Schaffner sorti en France en 1974 avec Steve McQueen en vedette. Une histoire inspirée de la vie d'Henri Charrière, accusé à tort et emprisonné à perpétuité au bagne de Cayenne, qui va n'avoir de cesse de tenter de s'échapper de cet enfer.
Les lecteurs de mangas noteront peut-être une ressemblance scénaristique avec Le Couvent des damnées édité depuis janvier 2017 aux éditions Glénat et qui se conclura début juin par un sixième et dernier tome. Dans l'Allemagne du XVIe siècle en pleine inquisition, des jeunes filles tentent de s'évader d'un couvent chargé de rééduquer "les filles de sorcières". Un manga réussi qui reprend également les codes de l’évasion, mais en l'inscrivant cette fois dans un contexte historique.
Un rythme fou inspiré des séries télé
Imaginé par Kaiu Shirai (un pseudonyme), tout nouveau venu dans l’univers du manga, The Promised Neverland possède un atout redoutable : son rythme effréné. A la différence de nombreux shônen, les aventures d’Emma, Ray et Norman vont vite. Très vite. En insufflant à son récit les codes de la narration largement popularisés par les séries télévisées, Kaiu Shirai multiplie les cliffhangers, transformant le premier tome de The Promised Neverland (et au moins les deux suivant que nous avons pu lire et qui sortiront respectivement les 27 juin et 22 août prochains) en véritable page-turner.
Un dessin sublime, à la fois doux et riche
Et il n’y a pas que le scénario de The Promised Neverland qui met un bon coup de pied dans le shônen estampillé Jump. Avec Posuka Demizu aux crayons, une illustratrice venue du manga pour enfant et dénichée par Kaiu Shirai sur le web, le graphisme de la série prend par moment des allures de cartoon.
En particulier lorsque Posuka Demizu donne vie à sœur Krone, bras droit de Maman appelé à la rescousse lorsque cette dernière suspecte les enfants d’avoir découvert le secret de Grace Field House. Un personnage au morphotype africain (très rare dans les mangas) aussi burlesque qu’effrayant. Une vraie réussite, à l’image de tous les chara designs des protagonistes de The Promised Neverland. Avec ses sublimes dessins fouillés et tout en rondeur, Posuka Demizu souffle un vent frais sur le shônen et prouve qu’elle est une dessinatrice avec qui il va falloir désormais compter. Regardez la vidéo ci-dessous pour avoir un aperçu de son talent et de sa dextérité.
Alors que le huitième tome de The Promised Neverland vient de sortir au Japon, sa scénariste nous confirme le souhait de ne pas en faire une série trop longue. Au final, la série devrait compter entre 20 et 30 tomes. Pas aussi long que des séries emblématiques comme One Piece ou Naruto, mais suffisamment pour marquer durablement l’histoire du shônen.
Un succès au Japon déjà multi-récompensé
Avec des tomes tirés en moyenne au Japon à 500 000 exemplaires, la série est d'ores et déjà un des gros succès du Jump. Une réussite commerciale appuyée par la critique, la série ayant déjà remporté le 63e prix Shogakukan dans la catégorie shônen tandis que les auteurs sont en lice pour le prestigieux prix culturel Osamu Tezuka. Après avoir écoulé au Japon plus de 3 millions d’exemplaires des sept premiers tomes, The Promised Neverland s’apprête à déferler sur la France. Un premier tirage de 100 000 exemplaires est d’ores et déjà prévu pour le premier tome en France, deux fois plus que pour le tome 1 de My Hero Academia (aux éd. Ki-oon) et une fois et demi plus que pour celui de One Punch Man (éd. Kurokawa), les deux dernières séries ayant cartonné en France. De très bon augure, donc.
The Promised Neverland (Yakusoku No Neverland en VO) de Kaiu Shirai (scénario) et Posuka Demizu (dessin), éd. Kazé, 193 p., environ 7 euros.
Tous les visuels illustrant cet article sont © 2016 by Kaiu Shirai, Posuka Demizu / SHUEISHA Inc.