"C'est 'Dragon Ball' qui m'a donné envie de faire ce métier" : entretien avec Yûki Tabata, l'auteur du shônen manga "Black Clover"

Yûki Tabata, l'auteur de "Black Clover" dédicace un dessin à franceinfo à Tokyo (Japon), le 6 avril 2018.

Publié en France depuis 2016, Black Clover (éd. Kazé) s'est depuis tranquillement hissé dans le Top 20 des ventes de mangas dans l’Hexagone. Pas étonnant lorsqu'on sait que le shônen [manga destiné aux jeunes garçons] de Yûki Tabata, dont le quatorzième tome sort ce 19 septembre, est souvent présenté comme le digne héritier de Naruto.  

L’auteur nous a reçu chez lui, dans la banlieue de Tokyo, où il a établi son studio au rez-de-chaussée de sa maison. C'est ici, entouré de ses assistants, qu'il imagine jour après jour les aventures de Yuno et Asta, deux jeunes orphelins qui poursuivent la même ambition : devenir le prochain Empereur-Mage du royaume de Clover. Entre deux planches de son univers d'heroic-fantasy, il a accepté de répondre à quelques unes de nos questions.

Pop Up’ : Quel est votre premier souvenir de manga ?

Yûki Tabata : C'est Dragon Ball. Quand j’étais encore à la crèche, j’ai découvert le manga de Toriyama à travers l’animé qui passait à la télé. Et plus tard, quand j’ai appris à lire, j’ai réalisé que cet animé était en fait adapté de mangas, et que derrière ces mangas, il y a avait un métier. J’ai su tout de suite que c’était exactement ce que je voulais faire plus tard.

Vous avez une impressionnante bibliothèque. Vous trouvez encore le temps de lire ?

Non, aujourd’hui, je n’ai pas le temps, mais je lis Shônen Jump toutes les semaines. En ce moment, j’aime particulièrement Kimetsu No Yaiba [Les Rôdeurs de la nuit en VF, dont les trois premiers tomes sont sortis chez Panini Mangas].

Une petite partie de la bibliothèque de Yûki Tabata (FRANCEINFO)

 

Si vous deviez donner envie à quelqu’un de lire Black Clover, que diriez-vous ?

J’essaye de dessiner un manga passionnant. Pour moi, c’est un manga qui a une âme.

(BLACK CLOVER © 2015 by Yuki Tabata / SHUEISHA Inc.)

Comment est né Black Clover

Au départ, je voulais juste dessiner ce dont j’avais envie. Ma précédente série [Hungry Joker, inédite en France] n’avait pas marché. Elle parlait de sciences de manière très sérieuse, mais ne me ressemblait pas. Moi, je voulais faire de la fantasy, et mes amis m’ont conseillé de créer un personnage qui me ressemble un peu. A l’époque, je doutais beaucoup de moi. J’ai quand même montré ce que je voulais faire à mon éditeur et même s’il n’était pas hyper convaincu, il a malgré tout décidé de lancer la série. Après la prépublication de mon one-shot, j’ai changé d’éditeur. C’est comme ça que ça se passe chez Jump. C’est déstabilisant, mais c’est aussi rafraîchissant. Et ça permet de se remettre en question.

C’est quoi le shônen pour vous ?

Le shônen, c’est ma vie. J’en lis beaucoup depuis que je suis tout petit. C’est du pur divertissement, mais ça fait rêver.

Vous avez été prépublié dans Weekly Shonen Jump. Que représente ce magazine pour vous ?

C’est un enfer heureux (rire). En fait, c'était un rêve d’enfant d’être publié dans Shônen Jump et il s’est réalisé. Aujourd'hui, j’ai des lecteurs dans le monde entier et ça me touche beaucoup. Mais maintenant, j’aimerais être à la retraite ! Pourtant, je n’ai que 33 ans donc ce n’est pas pour tout de suite. Mon rêve, c'est de faire le tour du monde avec ma femme, mais ça risque d'être compliqué. Ou alors peut-être lorsque j’aurais achevé Black Clover.

Comment travaillez-vous au quotidien ? 

Les deux ou trois premiers jours de la semaine, je discute avec mon éditeur de la suite à donner à la série. Ensuite, j’écris le scénario et il me reste normalement deux à trois jours pour dessiner mes dix-neuf planches. J'ai peu de temps, mais c’est parce que je me permets de dormir un peu. Au début de la publication de Black Clover, je ne dormais que trois heures par nuit car j'étais un peu stressé. Depuis l’adaptation en animé, je me relâche un peu. Actuellement, je dors six heures par nuit, donc ça va. Le problème, c’est que je n’ai pas pris de vacances depuis trois ans. C’est un dur métier.

Yûki Tabata sur sa table de travail à Tokyo (Japon), le 6 avril 2018. (FRANCEINFO)

Comment expliquez-vous le succès de Black Clover ?

Je travaille dans cet atelier que je ne quitte presque jamais donc je n’ai pas vraiment conscience du succès. J’aimerais profiter de cette interview pour remercier mes lecteurs qui ont choisi de lire Black Clover parmi tous les mangas qui s’offrent à eux. Mon objectif est de faire naître chez eux les mêmes sentiments que je ressentais petit en lisant des mangas et j’espère y parvenir.

Black Clover est-elle une histoire destinée à durer des années comme One Piece ou Naruto ?

Oui, j’aimerais bien et je vais tout faire pour que cela arrive. Je me prépare psychologiquement à ne pas avoir de vacances pendant longtemps !

Avez-vous déjà réfléchi à la fin de l’histoire ?

J’ai réfléchi dans les grandes lignes, mais je ne sais pas encore vraiment comment Black Clover va se terminer. En revanche, je sais que le premier arc se termine bientôt [au Japon, dix-sept tomes ont pour l’instant été publiés].

Comment réagissez-vous à la mort d'Isao Takahata, le cofondateur du mythique studio Ghibli [survenue quelques heures avant l'interview réalisée en avril dernier] ?

C'est une triste nouvelle. Laputa (Le Château dans le ciel en VF) est mon animé préféré du studio Ghibli. J’adore tous leurs films donc j‘aimerais lui dire merci beaucoup pour tout son travail.