Que vaut le nouvel album de Blake et Mortimer, "La Vallée des immortels" ?

Difficile de manquer la référence au Lotus bleu dès la couverture de ce nouvel opus de Blake et Mortimer (le 25e tome, dont douze seulement de la main d'Edgar P. Jacobs). L'hommage se poursuit de manière discrète dans les pages de cet album qui se déroule en Chine et à Hong-Kong, au lendemain de la chute de l'Empereur Basam-Damdu, dans le prolongement direct du Secret de l'Espadon, tome fondateur de la série. Pourtant, n'allez pas croire que nos deux héros vont se lancer sur les traces d'un réseau de trafiquants d'opium géré par un Japonais maléfique et moustachu : l'intrigue que nous proposent le scénariste Yves Sente et les dessinateurs Teun Berserik et Peter van Dongen nous emmène en Chine continentale, où l'armée de Mao, celle de Tchang Kaï Chek et des seigneurs de la guerre sans foi ni loi se disputent les restes de l'empire jaune.

Après avoir raconté les prémisses du Secret de l'Espadon dans Le Bâton de Plutarque, Yves Sente continue d'explorer la genèse du mythe en expliquant ce qui est arrivé à Olrik - qu'on avait laissé pour mort dans les ruines du palais impérial écrasé par les bombes - jusqu'à son retour fracassant dans Le Mystère de la grande pyramide. Forcément, il va recroiser nos deux héros, pourquoi pas le professeur Mortimer, appelé à Hong-Kong pour la mise au point d'un aéronef destiné à faire fuir les mercenaires des seigneurs de la guerre ? Ou alors Francis Blake, lui aussi dans la colonie britannique, mais un peu à la remorque de l'histoire, comme dans les meilleurs albums de la série ?

Plat du pied, sécurité

L'amateur des héros d'Edgar P. Jacobs, échaudé par de récentes histoires inégales, va en avoir pour son argent : le trio d'auteurs coche toutes les cases d'un Blake et Mortimer canonique : un soupçon de géopolitique, un brin de paranoïa, un artefact historique, un passage au 99 Park Lane (avec en sous-texte l'installation des deux amis ensemble dans cette pension de famille), un peu de Nasir, un peu d'Olrik, quelques masques à la Fantômas, des récitatifs qui alourdissent un chouïa le récit, une base secrète cachée dans une montagne (marque déposée depuis Le Secret de l'Espadon) et des méchants bien méchants qui expliquent leur plan maléfique à longueur de tirade.

Revers de la médaille : le lecteur averti voit arriver certains rebondissements d'un peu loin, mais ne boudera pas son plaisir quand ils interviendront. Peut-être même un sourire complice naîtra sur son visage. Un peu comme quand on voit apparaître Assurancetourix ligoté à un arbre à la fin d'un album d'Astérix. On sait que ça va se produire, mais on ne comprendrait pas son absence. Un premier tome prometteur, mais qui demande confirmation par une conclusion à la hauteur, ce qui n'a pas toujours été le cas des diptyques précédents.

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La Vallée des immortels, tome 1 par Yves Sente, Teun Berserik et Peter Van Dongen, coll. Blake et Mortimer aux éd. Dargaud, 56 p.,16 euros environ. 

Le lecteur non-averti aura peut-être manqué dans l'arrière pays de Hong-Kong, la présence d'Odilon Verjus, le missionnaire déglingué de Yann et Verron. Sachez que c'est une excellente série disponible au Lombard.