Sur la gauche du terrain, Joe Rokocoko récupère le ballon. L’ailier All Black regarde ses adversaires, fait brusquement demi-tour pour se dégager, court vers ses poteaux, les contourne et file sur l’aile droite. Personne ne rattrapera le véloce Néo-zélandais, qui aplatit après une course solitaire d’une bonne centaine de mètres. Une action improbable, des joueurs bien trop rapides et une simulation plus drôle que réussie. Voilà où nous avions laissé le jeu vidéo de rugby en 2008.
Sept ans plus tard, à l’occasion de la Coupe du monde, qui débute vendredi 18 septembre, Pop Up' a décidé de replonger dans la mêlée pour voir si le ballon ovale tenait enfin sa référence avec Rugby World Cup 2015 (RWC2015). Manette en main, une compétition ratée plus tard et malgré une “victoire de prestige” contre la Roumanie, il faut se rendre à l’évidence : jouer au rugby sur console est toujours une expérience aussi frustrante et ratée. Mais pourquoi les jeux de rugby sont-ils toujours aussi nuls ?
Parce que personne n'y joue
Oubliez Fifa 15 et ses millions de copies vendues. L’éditeur de RWC 2015, Big Ben, vise des ventes entre 200 000 et 700 000 exemplaires. Sur le terrain comme sur console, le rugby est, en effet, un sport de niche, pratiqué dans une petite vingtaine de pays. Un marché potentiel trop petit pour les grands éditeurs de jeux vidéo, comme Electronic Arts. Le distributeur des principales simulations sportives (Fifa, NBA, NFL, etc.) a d’ailleurs abandonné le ballon ovale en 2008.
Résultat, les jeux sont développés par de plus petites maisons, avec moins de moyens. Fatalement, la qualité du titre s’en ressent. Côté graphique, RWC 15 est loin, très loin de ce qui se fait sur consoles nouvelle génération. Les joueurs sont moches, se ressemblent tous et la pelouse pique les yeux.
Big Ben, l’éditeur français, n’a manifestement pas obtenu toutes les licences : l’équipe d’Irlande est, par exemple, emmenée par un ailier inconnu au bataillon, Liam Fitzpatrick. Quand la licence est là, c’est la finition des joueurs qui laisse à désirer : le virevoltant Wesley Fofana est moins rapide dans le jeu que le lourd Mathieu Bastareaud.
Parce que c'est un sport compliqué à modéliser
Rucks, mauls, mélées, pénalités, touches, en avant, talonnage… En rugby, les phases de jeu sont extrêmement nombreuses et différentes. Il est difficile pour l’éditeur de les faire toutes tenir sur la manette d’une console. Du coup, le joueur se retrouve avec un nombre incalculable de combinaison à mémoriser. Si le jeu fait un effort en proposant un menu de commandes illustré, il faut plusieurs rencontres avant une maitrise satisfaisante. Vous dégagerez plus d’une fois le ballon au pied en voulant aplatir !
Autre difficulté, les transitions entre ces différentes phases de jeux. Un écueil que RWC 2015 ne surmonte pas. Il nous est régulièrement arrivé de marquer un essai en récupérant le ballon sous nos poteaux et en courant tout droit, après une pénalité adverse manquée. Sur cette phase de jeu, le placement de l’adversaire est complétement fantaisiste. Enfin, les incohérences observées avec Rugby 08 n’ont pas complètement disparu : Morgan Parra est par exemple capable de marquer en partant de son embut.
Parce que l'éditeur Big Ben débute dans l'exercice
L’éditeur français n’a pas beaucoup de matchs dans les jambes. Il s’est lancé dans le rugby pour la première fois en 2014, avec Rugby 15. Dans sa communication, Big Ben demande donc un peu d’indulgence. "Les fans nous sont reconnaissants de prendre le risque de nous positionner sur des niches difficiles. Ils se disent : ‘Au moins, ils ont eu le mérite de s'y coller et l'année prochaine, ce sera mieux’”, expliquait à l’AFP Benoît Clerc, responsable éditorial.
Avec ses collègues, il parie sur une "spirale vertueuse" : un titre de plus en plus rentable générera davantage d'investissement, qui permettront de faire un meilleur jeu et d’attirer plus de clients. Pour le dire autrement, n’achetez pas Rugby World Cup 2015 pour avoir un bon jeu, achetez-le pour aider Big Ben à développer une vraie simulation de rugby.