Sur l’île de Hoëdic, ce n’est pas le soleil qui se lève en premier.
A 7h20 du matin, aussi matinaux que les marins…il y a les collégiens.
Angèle, Gaëlle et Maxence prennent la mer comme d’autres prennent le bus : pour aller au collège. Mais leur bus à eux est un peu capricieux, comme l'explique Gaëlle, quinze ans, élève de troisième.
« Des fois, à cause des horaires de marée, la bateau est plus tôt, parfois il est à six heures et quart, donc on est obligés de se lever à cinq heures et demie ».Son amie Angèle, lui adresse un clin d’œil malicieux :
« Quand on prend notre petit déj', ça pèse un peu sur l’estomac quand il y a des vagues mais franchement, à force, on s’y habitue ».
Car ce trajet, ils le font tous les matins, et tous les soirs. Sur l'île de Hoëdic, il n’y a pas de collège, alors il leur faut aller à 20 minutes de là, à 5 km à vol d’oiseau, sur l’île voisine de Houat.
C'est là que se trouve un collège miniature: 5 professeurs, 14 élèves, répartis sur 4 niveaux. Résultat, des cours de 45 minutes, en petits comités : deux élèves en classe de troisième, 6 élèves, en classe de quatrième. Certains profs assurent même deux matières, effectifs réduits oblige.
Tous dans le même bateau
Ici, tous les élèves se connaissent depuis la maternelle alors à chaque rentrée, pas de grosse surprise comme l’explique Angèle :
« On connaît tout le monde, il n’y a pas le stress de « avec qui je vais être dans la classe » tout ça, et puis du coup on n’est pas timides les uns envers les autres, je trouve ça bien ».
Son voisin, Maxence, fait la grimace :« Moi, j’aimerais bien changer un peu des fois…depuis qu’on est tout petits on se connaît tous, on est tous dans la même classe…on a hâte d’aller au lycée ! »
Ici les élèves tutoient même les enseignants, car sur l’île de Houat, tout le monde est dans le même bateau!
« On vit avec eux toute l’année, reconnaît Béatrice Pleven, professeur de SVT, on a les mêmes moyens de transports, on est bloqués pareil quand il y a des tempêtes, donc il y a des conditions qui font que le lien n’est pas du tout le même que celui que l’on pourrait avoir dans un établissement plus classique ».
Au large du Morbihan et du Finistère, le collège du Ponant accueille 100 élèves, avec des antennes réparties sur 6 îles différentes : Batz, Ouessant, Molène, Sein, Groix et Houat. Le siège administratif est à Brest. Certains enseignants font la navette d’une île à l’autre, alors les emplois du temps évoluent toute l’année au gré de la rotation des bateaux, et du bon vouloir des tempêtes.
Depuis 40 ans, c’est le seul collège de la sorte en France qui permette aux collégiens insulaires d’être scolarisés, avec succès : 100% de réussite au Brevet des Collèges.
16h30, et c’est déjà la traversée du retour. Au loin, la vue est splendide. Pour les 8 collégiens qui rentrent à Hoëdic, rien d’extraordinaire, même si chaque été, les amis d’Angèle s’étonnent de leur quotidien entre deux îles.
« Quand je parle avec des amis, l’été, je vois bien que pour eux, c’est impossible ce que l'on fait. Pour eux, ils ne pourraient pas être dans un collège de 14. Être 400 c’est pas beaucoup alors 14…ils sont vraiment étonnés ».
La maman de Gaëlle, Valérie Le Palmec, attend sa fille sur le port. L’an prochain, Gaëlle sera en internat, car le lycée est sur le continent, alors elle savoure :
« Pour l’instant j’en profite, il ne nous reste plus beaucoup de temps. Mais bon ça va, j’ai une deuxieme fille je ne vais pas pleurer tous les jours », plaisante-t-elle.
Valérie Le Palmec est née et a toujours vécu à Hoëdic, elle se souvient que pour ses frères, scolarisés sur le continent, le quotidien était plus difficile :
« C’était pire avant, mes grands frères, quand ils partaient, ils partaient dès la sixième sur le continent et ne revenaient qu’à la Toussaint. Ils ne revenaient pas le week-end. A 10 ans, ils partaient tout septembre, octobre et ne revenaient que pour les vacances, pareil à Noël. Donc là, ils sont privilégiés. »
"Même à distance, on est très proches"
La mère d’Angèle, Emilie Moisdon, n’est pas née sur l’île, mais elle a eu le coup de foudre pour Hoëdic il y a plus de 20 ans. Tous les soirs, lorsque sa fille rentre au port, elles vont nourrir ensemble leurs chevaux, et en profitent pour parler de la vie du collège. Car même à distance, les parents d’élèves parviennent à suivre la scolarité de leurs enfants :
« On a des enfants très suivis, si il y a un problème on le sait, et c’est génial, c’est le côté fantastique de cet enseignement insulaire. On ne se voit pas physiquement, mais on se parle au téléphone, on se tutoie avec les professeurs, c’est une relation particulière et enrichissante pour tous le monde ».
Gaëlle, de son côté, a hâte de découvrir la vie lycéenne l’année prochaine, mais compte bien rentrer tous les week-ends :
« j’ai grandi sur une île, tout le monde n’a pas vécu ça…..moi j’y suis depuis toute petite, l’île c’est un peu moi ».