La boum

© Eve Omel, 2016

L’idée de la boum avait fait son chemin depuis la classe de neige de l’hiver dernier où ma fille et ses camarades fêtèrent la fin de leur séjour avec une soirée dansante sur laquelle ils ne tarissaient pas d’éloges. Alors pour ses 10 ans, eh bien oui pourquoi pas, mais une boum l’après-midi hein.

C’est comment qu’on fait ?

Au galop comme il se doit et au dernier moment, on  emprunte une boule à facettes à la bonne amie, on active l’abonnement Deezer dont on ignorait qu’il était inclus dans le forfait téléphone, on crée une playlists « rap & slow », on achète bracelets fluorescents et ampoules colorées pour ambiancer tout ça (je vous le dis : les LED, ça ne marche pas fort). Puis le jour J : pâtisserie, camouflage des fenêtres avec des draps, bâchage de la table avec du couvre-livre et déménagement du salon dans ma chambre. Et puis, ah oui, assurance que mon voisin de palier à la grosse voix veuille bien pousser une gueulante si tout à coup je perdais le contrôle de la situation.

Les Clans

Dring-dring, ils arrivent, quinze endimanchés (pas de jogging, quoi), on joue on souffle les bougies on goûte et lorsque j’ai enfin demandé s'ils étaient prêts à danser, ils ont tous crié en même temps : OUAIS ! J’ai envoyé la playlist et le volume et… c’est là que tout s’est compliqué. Deux clans se sont aussitôt formés : Les filles dansant timidement et les garçons l’air morne, tous entassés en pyramide sur mon canapé deux places. Je demande quel est le problème du côté du canapé et on me répond que la musique est nulle. Je mets un autre morceau : tous les garçons debout et les filles partent bouder. Je change encore et rebelote. Je fais tourner la boule disco, je sors les bracelets fluo qui font plaisir à tous car plus on bouge avec plus ils font d’effet graphique dans la nuit, le canapé est déserté un temps puis tout redevient compliqué.

Battle

Ce qui a de bien dans un groupe c’est qu’il y en toujours un qui propose des solutions constructives aux problèmes. Un petit gars a dit « battle » et je l’en remercie encore. Toutefois, pas moyen de mixer les groupes : les filles sont parties dans ma chambre et je suis restée avec les garçons qui ont plié leur spectacle en un temps record : un par un à l’intérieur d’un cercle, chacun sa dégaine, chacun son style, mais tous joyeux. En une minute le choix musical était fait et en cinq tout était réglé. Les deux groupes ont interchangé leurs places pour que les filles puissent répéter au salon. Mais au bout d’un quart d’heure d'attente (les garçons commençant à faire n’importe quoi en backstage), que nenni rien du tout on n’est pas prêtes, toutes à piailler sans réussir à se mettre d’accord. J’ai décrété que le temps était écoulé et qu’il fallait démarrer :  Ma fille s’est mise à pleurer et toutes ses copines m’ont détestée aussitôt par solidarité en allant s’asseoir sur le canapé. Ce qui a permis au groupe des garçons de s’éclater franchement sur la piste. Puis les filles ont dansé très sérieusement un gloubi-boulga de natation synchronisée et de « R & B style », j’ai vu les regards pétrifiés des garçons, empilés qu’ils étaient sur mon canapé. Comme je ne voulais pas faire pleurer encore ma fille, je n’ai pas répondu à la question de qui avait gagné, j’ai balancé « Sur ma route » de Black M et je suis allée m’en fumer une dans la cuisine.

© Eve Omel, 2016

Slow

Est venu le moment des slows dont ils s'étaient visiblement fait une montagne et qu'ils attendaient avec impatience. Mais voilà, les filles se sont enfuies dans les chambres en poussant des cris. Les garçons dépités ont envoyé des émissaires porter des messages, toujours les mêmes (est-ce qu’une telle veut danser avec un tel ?) Quelle que soit la réponse, les filles ne venaient jamais et « Still loving you » tournait en boucle sur la piste déserte. Grosse impasse. Heureusement le petit gars de la battle qui a dit « tirage au sort », ce qui a effectivement résolu les angoisses du groupe. Mais c’était sans compter l'ultime problème : se tenir par la taille, par les épaules ? Ça va pas la tête. On se tiendra donc par les mains. Et mes petits, tous petits 10 ans qui se croyaient grands, ont fait une ronde digne de la grande section de maternelle et ils étaient absolument ravis, je dirais même béats.

Après quoi, la grande transe a pu s’installer et ils ont sauté tous ensemble dans mon salon en se tenant par les épaules comme des damnés, jusqu’à l’arrivée des parents médusés.

Alors, à la question sous-jacente : « 10 ans est-il un âge pour les boums ? », la réponse est NON !