Ça y est, c'était hier, la der des der pour la plus ancienne des baby-sitters de ma fille, celle qui m'a épaulée et plus encore quatre ans durant, qui nous a vu prendre nos marques hésitantes dans une nouvelle vie de famille monoparentale, qui a vu ma fille apprendre à lire, à écrire, perdre toutes ses dents, ne plus croire au père Noël ni à la Petite Souris, celle qui l'a baignée chaque soir, mise en pyjama, coiffée. Ça a nous a fait un coup au cœur lundi soir car aucune de nous n'avait réalisé que ce soir-là était son dernier soir, tous ces jours de kermesses et autres spectacles avaient déréglé notre petite routine et tout à coup ce fut la fin. Ma petite fondant en larmes, la grande aussi, la mère aussi, le déchirement des séparations affectives rejoué dans le salon. On a convenu qu'on ne pouvait pas se quitter comme ça, qu'on allait organiser un apéritif en l'honneur de F... pour tout ce qu'on lui devait. Rendez-vous pris le vendredi soir pour un petit apéro sympathique et des cadeaux: un beau bouquet des dernières pivoines de la saison, un beau dessin, les petits plats dans les grands déployés par ma fille si joyeuse. On patiente, l'heure tourne, pas de F..., "ce n'est pas son genre, Maman, n'est-ce pas?" Non, ce n'est pas son genre et je vois d'ici arriver que F... nous a oubliées. Mais je ne dis rien à ma petite qui se fait du souci, j'envoie un texto sans réponse, puis un message téléphonique sans réponse, la faim s'installe, la morosité aussi, les pivoines vaporeuses ont besoin d'eau, le dessin de ma fille pâlit, la poulette a envie de pleurer. On décide de manger sans F... "Mais Maman, elle n'a jamais fait ça!", oui c'est vrai, mais voila, le contrat vient de prendre de fin et F... nous a déjà oubliées. Enfin un texto qui dit "désolé, j'ai zappé" qui plonge ma fille dans un chagrin si triste et si vrai que j'en suis toute retournée moi-même. "Allez, c'est pas grave, on va remettre ça à un autre jour et nous on va se regarder un bon petit DVD toutes les deux avec un coca, oui? " Ça ne la console qu'à peine. On remit donc ça la semaine d'après, nous avions eu le temps de digérer ce raté décevant, avec des giroflées à la place des pivoines, mais le cœur n'y était plus, et nous nous séparâmes étrangement sans état d'âme.