"Le couple, cette norme qui culpabilise les célibataires" ?

© Eve Omel, 2014.

© Eve Omel, 2014.

Le désarroi des célibataires

Un copain m'a fait suivre il y a quelques temps un lien vers un article du Monde signé Marlène Duretz sur le célibat en France. Il s'agit d'une interview d'une psychologue, Géraldyne Prévot-Gigant, rappelant combien notre société a encore comme référence familiale Le Couple (avec enfant de préférence) et combien ça déprime les célibataires. Elle donne aussi quelques conseils pour sortir du célibat qui m'ont parus avisés mais que je voudrais contrebalancer. En tout cas, nous ne sommes pas moins de 18 millions de célibataires en France selon l'insee (L'état matrimonial légal, 2013), ouch!

Alors, faut-il vraiment se culpabiliser en foule, se flageller à 18 millions face à une norme dominante?

Nous entendons dire ici et là que les célibataires sont des personnes inaptes au vivre-ensemble-de-l'intime, que nous avons un genre de défaut de construction psychique qui créerait une incapacité à fabriquer avec autrui une vie à deux. En ce qui me concerne, je veux bien entendre ces arguments, et d'ailleurs, si je pousse le bouchon, revendiquer mon droit à la solitude.

Pourtant, je suis comme tout le monde, j'ai aussi vécu en couple, suffisamment longtemps pour faire un enfant désiré. J'ai été celle qu'on attendait que je sois à cet âge-là, dans notre société. Je ne regrette vraiment rien, mais maintenant que la quarantaine me rattrape, je me dis souvent que tout ceci, ce schéma familial répété, cette pression sociale, je les ai subis sans distanciation possible. Et j'ai parfois la sensation d'une vaste supercherie à laquelle j'ai participé les yeux fermés. Au point de me trouver rétrospectivement arrogante et bête. Et du coup je trouve souvent les trentenaires en couple arrogants et bêtes. Voilà, c'est dit. Premier boulot, premier appart acheté, premier bébé, tu te crois le plus fort du monde avec des projets de vie rangés des voitures. Car tu, je, ne fais que répéter une construction imposée par ta culture, le tout gratifié par le sourire de soulagement de tes propres parents. Non?

Éloge de la solitude

Dieu merci, je ne suis pas si seule n'est-ce pas, les parents solo opineront, en tout cas ceux pour qui il s'agissait d'une séparation assumée. J'ose croire que nous sommes nombreux, ni branques ni fortiches, ayant décidé de vivre pour le mieux, c'est-à-dire plutôt seul(e) que mal accompagné(e). Nombreux aussi à veiller à ne plus glisser dans les ornières des inconscients collectifs abrutissants. Nombreux, oui, nous aussi, à faire tourner le monde.

Pour autant, je ne voudrais pas que l'on s'imagine ici que je ne crois pas au couple, à la douceur de vivre à deux et à la force qu'on y puise. J'ai des amis en couple harmonieux et je les trouve très beaux. Je vis moi-même des fragments de vie en couple que j'adore. Jusqu'à ce que... les contraintes prennent le dessus sur le plaisir, le désir, la joie. En somme, jusqu'à ce que ma solitude me rappelle à l'ordre, héhé.