Deux euros et.... rien
Il m'est arrivé un truc absurde sur le quai du métro l'autre jour : j'ai mis deux euros dans un distributeur de boissons et... RIEN. Bizarrement, avant même d'entrer dans une colère noire, je me suis souvenue d'avoir observé, depuis les wagons, des tas de fois la scène que j'allais jouer moi-même : des gens s'en prendre aux distributeurs. Parfois effrayée par la violence des coups, mais le plus souvent prise d'un fou-rire face au comportement des malheureux réclamant à corps et à cris leur dû. Je savais que j'allais être parfaitement ridicule.
Chameau
Ma fille qui était avec moi, où voulez-vous qu'elle soit donc, avait soif. Il faut dire qu'elle a tout le temps soif, c'est un chameau. On ne sort jamais sans eau sinon le drame de la soif t'attend dès que tu as tourné le coin de la rue. Évidemment que bien entendu : pas encore dans le métro et une montée de soif irrépressible la saisit. Et alors ça m'agace cette histoire d'eau... ça m'agace depuis toujours, mais quoi faire?, à part d'avoir des bouteilles en plastique dans tous mes sacs, moi qui ne bois pas ou peu, bref, c'est un dossier, la soif, chez nous. Ce jour-là, je n'ai pas de bouteille et comme l'enfant fait mine de se décomposer et tente même une danse de Saint-Guy sur le quai, je décrète que le maintien de la bonne humeur est une priorité en ce samedi, et que je vais faire ce truc que je me suis toujours refusée à faire : payer deux euros une petite bouteille d'eau, ce scandale. Je n'aurais pas dû.
Boxe
Car, en vérité, je m'en veux déjà d'avoir cédé à cette histoire de soif, je m'en veux déjà de glisser la belle pièce de deux euros dans la machine, je m'en veux d'avoir choisi le numéro 45 et pas le 47, bref, la bouteille ne tombe pas et je me mets à boxer façon française (les pieds et les poings), ce distributeur impassible et si lourd qu'il ne tremble même pas. Je me casse un ongle, je pousse des cris scandalisés, j'oublie l'enfant médusée qui est en train de prendre la mesure de la catastrophe. Je l'entends vaguement me dire d'une petite voix que c'est bon maman, elle n'a plus soif, ce à quoi je réplique par un "Tu te fiches de moi là?" avant de reboxer la machine de plus belle.
Honte
Finalement, le train arrive, j'arrête mon cirque, vaincue, je jette un œil noir à la foule goguenarde, mais au fait où est ma gamine? Deux mètres plus loin, elle fait mine de regarder les affiches, une attitude qui dit "c'est pas ma mère j'la connais pas." Tu me connais pas mais il faudra bien me suivre, et même t'asseoir en rougissant à côté de moi dans le wagon, et même jeter par en-dessous un regard alentour sur tous ces inconnus qui se sont moqués de ta mère et dont visiblement ta mère n'a strictement rien à faire (de fait, c'est vrai). Tout ceci te dépasse un peu mais tu viens de comprendre les limites de la bienséance et tu es prise d'un malaise inconnu jusque là: la honte de ta mère.
Ça ne vous rappelle rien? Personnellement, je me suis souvenue tout à coup de tout!