Nous méritons mieux. Nos enfants méritent mieux. Pas seulement les nôtres, ceux et celles que nous aimons et que nous éduquons, mais aussi les enfants de nos ami-e-s, de nos proches, de nos voisin-e-s, ces enfants enfin qui nous sont étrangers mais qui sont nos faiseurs-ses d'avenir, nos ensemenceurs-ses d’aubes futures. Donc nous et nos enfants méritons mieux. Au nom de quoi devrait-on continuer à subir les ignominies télévisuelles d’Hanouna et de toute sa brigade pitoyable de courtisan-e-s ?
Vendredi dernier, l’animateur de « Touche pas à mon poste » a piégé des hommes couchant avec des hommes, se faisant passer pour un usager d’un site de rencontre. La bouche pincée et la voix haut perchée, le poignet droit cassé et le ventre chassé sur le côté, il a chaloupé sur le plateau, singeant ce qu’il croit être les hommes couchant avec des hommes, multipliant les calembours sexuels et jetant ainsi en pâture l’intimité de garçons qui se croyaient en ligne avec lui dans le secret de leurs chez-eux.
Depuis cette sinistre séquence, tout a été dit, écrit, bien dit, bien écrit, sur la violence d’un tel canular. Ont été rappelées l’humiliation et la honte des jeunes gays et des jeunes bisexuels, vécues dans la cour de récréation, au café, en classe, le rire des autres à leurs dépens, leurs suicides manqués – trop souvent réussis, les mauvais plans des sites de rencontre, où ce genre de mystification sert d’appât pour « casser du pédé », l’affaire finissant souvent aux Urgences, parfois à la morgue.
Hanouna est un multirécidiviste de ce genre de gags sexistes, homophobes ou transphobes. De ce genre de gags humiliants pour faire ahaner des milliers de télé-spectateurs. Hanouna ? Un tueur en série de la dignité de l’autre et de ses émotions. A chaque fois, on s’indigne et on pleure. A chaque fois ça passe. Ni les tribunes, nombreuses, ni les articles précis et circonstanciés dénonçant ses pratiques, ne l’ont pour l’heure arrêté. Au contraire, on a même l'impression d'une surenchère dans l'abject. Ses fanzouzes comme il les appelle (que ce terme est laid et parlant : des fans qui participent tous les soirs à cette immense partouze cathodique, où l’on s’enduit d’étrons gluants), ne lisent pas les articles à charge, ou alors se contentent de leurs accroches, et se fendent d'un tweet de 140 signes pour se plaindre de l'acharnement à l'endroit de leur Baba, qui fait tout « pour de rire » et par amour pour eux. Ainsi le nom d’Hanouna nourrit-il le buzz. Une bouse d'Hanouna et ce sont des dizaines de sites qui voient leur audience accrue, sans que pour autant ne soient convaincus les fanzouzes braillant au complot. En partageant les déjections hanounesques nous nourrissons la bête buzzique. En copiant-collant la séquence incriminée, on est que tout le monde en parle, que tout le monde en croque. Et l'on tourne en rond.
L'économie circulaire du badbuzz en 14 étapes simples. RV ce soir pour l'étape 10, et dans 2 semaines pour un retour à l'étape 1 #hanounapic.twitter.com/vucEILcLnw
— Samuel Laurent (@samuellaurent) 19 mai 2017
Je ne dis pas qu'il faille faire l'économie de nos chroniques indignées, toujours écrites sous le coup de l’émotion, chroniques ressassant nos dents serrées, nos yeux baissées, nos larmes, nos traumatismes, les coups reçus et nos blessures encore à vif. Je ne dis pas non plus qu’il ne faille pas pétitionner. En quelques jours le CSA a reçu plus de 20 000 plaintes - un record - ce qui devrait encourager l’institution à se bouger un peu le cul. C’est bien beau de coller une signalétique colorée et géométrique sous le moindre téléfilm à papa, mais là, me semble-t-il, il y a urgence à agir et à sévir. Mais je dis qu’il faudrait peut-être, en plus de nos billets, taper dans le mille. Là où ça fait mal pour des hommes sans cœur et sans conscience. D’autant plus que l’immobilisme de beaucoup me colle sur le flanc
- Le premier ministre Valls, en son temps, n’était-il pas intervenu pour faire interdire les spectacles de Dieudonné, composés de sketches racistes et antisémites ? Que fait le gouvernement Macron, si attaché prétend-il à la moralisation de la vie publique et politique ? Et au-delà du gouvernement Macron, a-t-on entendu/lu un homme politique, une femme politique s’indigner (à l’exception pour l’heure de Christiane Taubira ) ?
- Hanouna c'est aussi une équipe. Que dire de leurs rires gras et complices ?
- Hanouna c'est aussi un public. Que dire de leurs rires gras et complices ?
- Hanouna c'est aussi une chaîne, la chaîne de Vincent Bolloré. Et là il y aurait beaucoup à dire. Vincent Bolloré si prompt à attaquer journalistes et chaînes de télévision publiques, sous prétexte qu’elles lui nuisent, laisserait Hanouna le petit ternir l'image de sa chaîne à lui ? Le catho tradi qu’il est n’aurait même pas le sourcil droit circonflexe devant un tel spectacle haineux assorti de métaphores sexuelles à une heure où les gamins et les gamines font leurs devoirs (ou pas d'ailleurs, c'est une autre question) ? Bolloré le catho tradi qui a défendu l'animateur Morandini mis en examen pour corruption de mineurs ? A moins qu’il n’y trouve son compte, lui la grenouille de confessionnal à la tête du groupe éponyme, dont le groupe de médias Vivendi est en train de racheter l’agence de publicité Havas dirigée par son fiston, Yannick Bolloré ? Quoi de mieux qu’une émission vulgaire et tapageuse pour faire l'audience et de ce fait, attirer les annonceurs ? Ce qui justifierait que papa Bolloré ait déboursé 250 millions d'euros pour garder pendant cinq ans l'animateur sur D8, la chaîne TNT du groupe Canal+. Hanouna le bousier aux œufs d’or.
Devant cette concentration des pouvoirs, n'est-ce pas à nous à présent de nous payer la gueule d’Hanouna ? N’est-ce pas à nous de scier la branche sur laquelle il s’essuie, la branche de l’arbre à billets ? "Il n'y a pas de pouvoir absolument absolu" écrivait Michel Foucault. Cessons de filer du fric, notre fric, à des annonceurs finançant la production de telles horreurs, nuisibles à notre humanisme et notre santé mentale. Avec ça le bousier sur la paille, et pourquoi pas sur la paillasse d'une prison, jeté là pour homophobie et atteinte à la vie privée ?
Voici les marques qui financent TPMP grace à leurs pubs.
Vous savez quoi faire maintenant.#Hanouna pic.twitter.com/5G9yJykcsQ
— Max ? (@MaximeHaes) 19 mai 2017
A l'heure où la publicité se rêve éthique, il me semble que l'appel au boycott soit l'un de nos meilleurs moyens d'action. Chanel et Bosch, dont les budgets média ne sont pas chez Havas, ont déjà annoncé qu'ils ne voulaient plus voir leur marque associée à l'émission d'Hanouna. Disneyland leur a emboîté le pas en fin de journée. A qui le tour ?
Mise à jour 23-05 à 18h52
Liste des annonceurs (mise à jour) se retirant du créneau horaire #TPMP #Hanouna pic.twitter.com/BwcVTsKF9j #hanounagate via @MaximeHaes
— Rêv de Presse (@Rev_de_Presse) 23 mai 2017