Jean-Marie le Pen, vous n'aurez pas ma nausée

Vomito ergo sum. Trois mots pour résumer la métaphysique de l'époque. Métaphysique qui a son mot - "nausée" - sa représentation -  un smiley bouillonnant verdâtre. Toute contrariété idéologique est sujette à dégueulis. Chier ne suffit plus, il reste toujours quelque chose dans l'organisme des scories détestées. Il faut vomir pour dire l'impossible assimilation, l'impossible digestion, le rejet pur et simple.

Vomir est un réflexe. Un mécanisme de défense mis en place par l'organisme. Mécanisme commandé et coordonné par un centre nerveux dans notre cerveau, stimulé soit par des informations nerveuses périphériques venant du tube digestif ou de l'oreille interne, soit par des pensées, des odeurs, des images, des émotions. Ce centre nerveux a un nom - le centre du vomissement - un domicile -  le mésencéphale - région du tronc cérébral connecté à notre cerveau émotionnel  et à notre système limbique. Ce cerveau émotionnel sur-sollicité, branlé au larmoyant bon marché, shooté aux bons sentiments et aux mignoncités de tout acabit.

Le 28 avril dernier, Jean-Marie  le Pen, fondateur du Front national, aujourd'hui président d'honneur du parti plébiscité par sept millions de Français-es, s'est fait le porte-voix de toutes les raclures de fond de tiroir qui inondent  les réseaux sociaux de leur haine.

Après l'hommage national rendu mardi 24 avril à Xavier Jugelé, le policier abattu sur les Champs-Elysées, et le discours de son compagnon,  JMLP a déploré sur son blog que la France ait davantage célébré l'homosexuel que le policier, se disant "choqué", estimant que "cette particularité familiale" comme il l'appelle, aurait dû "être tenue à l’écart de ce genre de cérémonie." 

Il n'en fallait pas moins pour voir fleurir sur Facebook et Twitter la gueule du bonhomme vomito et les commentaires nombreux du genre "Nausée", "A dégueuler", "dégueulatoire" etc.

Jean-Marie le Pen, vous n'aurez pas ma nausée. Non que j'aie le cerveau émotionnel atrophié, le système limbique manipulé par la raison froide et tranchante. Mais il m'est si précieux ce cerveau-là que je le protège des provocations faciles et de la bêtise calculée. Et puis une fois que j'aurais dégueulé sur vos pompes, qu'auriez-vous entendu ? Peut-être même que vous aimeriez ça.

La France n'a pas plus célébré un homosexuel qu'un policier. La France a célébré Xavier Jugelé, un policier aimant voyager, aimant regarder des films, aimant écouter de la musique, aimant un garçon, garçon qui dans un costume de deuil impeccable a rappelé par sa présence que Xavier Jugelé, en plus d'assurer la sécurité de ses concitoyens-nes, en plus d'être fier de porter l'uniforme de la police nationale, était engagé aux cotés d'hommes et de femmes rejeté-e-s en raison de leur orientation sexuelle. Ce que vous appelez "une particularité familiale". Cette "particularité familiale" qui,  dans certains pays, mène en prison ou à l'échafaud. Qui, dans la France de 2017, suscite encore vos commentaires haineux et vos appels à la détestation, partagés par une fachosphère grouillante et hyperactive.

L’homophobie est un délit. Et comme nul n'est censé ignorer la loi, sans doute connaissez-vous les articles suivants :

  • L’appel à la haine, à la violence, à la discrimination  à l’encontre d’une personne en raison de son orientation ou identité sexuelle est puni : d’un an d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende (article 24 al.9 de la loi du 29 juillet 1881).
  • La diffamation (article 32 al.3 de la loi du 29 juillet 1881), à l’encontre d’une personne en raison de son orientation ou identité sexuelle est punie : d’un an d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende
  • L’injure homophobe, lesbophobe, biphobe, transphobe (article 33 al.4 de la loi du 29 juillet 1881), est punie de 6 mois d’emprisonnement et de 22.500 € d’amende