Emmanuel Macron, un démenti cul-bénit

 

Emmanuel Macron aurait pu rendre publiques bien des rumeurs à son sujet, elles sont nombreuses, nul homme politique parti en campagne n'y échappe. Celle qu'il a choisi d'officialiser, lundi soir à Bobino, lors d'un meeting organisé par les adhérents parisiens de son mouvement, en dit long sur le politique qu'il est. Bobino. Cette salle de "miousic-hall" selon l'expression de Barbara, rue de la Gaîté, qui tient son nom d'un clown marionnettiste bien connu au XIXe. L'endroit choisi pour se produire, son apparition surprise, posent le décor. Et rendent sa parole théâtrale. Le show a été à la hauteur des espérances du parterre, parterre piaffant et s'esclaffant quand il a évoqué la rumeur qui lui prêtait une liaison avec Mathieu Gallet, directeur général de Radio France.

Go to Bobino, on rembobine

"À celles et ceux qui voudraient faire courir l'idée que je suis duplice, que j'ai des vies cachées ou autre chose, (rires discrets) non seulement c'est désagréable pour Brigitte (on rit ), mais je vous rassure, comme elle partage tout de ma vie du soir au matin, elle se demande simplement comment, physiquement, (là des petits malins commencent à rire pour de bon)  je peux faire (applaudissements, clap clap clap, rires étranglées, c'est vrai que celle-là elle est bien bonne)

(L'acteur Macron sourit puis reprend)

Mais heureusement, heureusement, je ne l'ai jamais rémunérée pour cela (hilarité, re-applaudissements, clameurs, hourras)

(Pause)

Elle pourrait apporter comme témoignage que je ne peux pas me dédoubler sauf si mon hologramme a fonctionné (certain-e-s s'étranglent de rire)

Donc, si pour mettre les pieds dans le plat, si dans les dîners en ville, si dans les boucles de mails, on vous dit que j'ai une double-vie avec Mathieu Gallet (les rires reprennent)  ou avec qui que ce soit d'autre, c'est mon hologramme qui soudain m'a échappé (ah ah ah, rires), mais ça ne peut pas être moi, je ne le connais pas (cette fois on applaudit pour de bon, on hurle, on acclame l'acteur)

La claque est extatique, elle n'est pas venue pour rien, ce soir c'est du grand Macron.

Trop fort Manu, qu, sous prétexte de faire taire une rumeur s'assure de sa plus large diffusion possible. Une rumeur dont il se sert à des fins politiques, si l'on réduit la politique à la séduction d'électeurs et d'électrices. Un crochet du droit à la probité feinte de Fillon, un crochet du gauche au ridicule ubique de Mélenchon, le tout emballé dans un one-man show comique (ou censé l'être, pour tout dire, j'ai peu ri))

Macron alliance

Un démenti faux-cul

Macron, c'est un homme d'argent, un homme d'affaires, un capitaine d'industrie, épaulé et conseillé par des agences de comm et de pub... Le sociétal, il a décidé de s'en foutre. Il laisse ça à la gauche. Il n'y a qu'à entendre comment il parle des/aux femmes - des fainéasses qui devraient se bouger le cul pour se présenter aux législatives - comment il botte en touche quand on l'interroge au sujet du porno - "ça fait partie de la vie"-  enfin comment il s'empare d'une rumeur microscosmique pour signifier en politique démagogue, qu'il est un bon hétéro des familles, fidèle à sa femme, avec laquelle il forme un couple complice, fusionnel blablabla blablabla. Viendez par là les fillonistes déçu-e-s, ma Brigitte, c'est un peu comme comme votre Pénélope, sauf que " je ne l'ai jamais rémunérée pour cela". Quelle saillie !  Macron, qui se prétend non-duplice, manie bien l'ambiguïté. A quelle réalité renvoie le "pour cela" ?

  • pour se demander comment je peux faire pour être au four et au moulin ?
  • pour me couvrir ?
  • pour être ma femme 24/24, 7/7 ?

Dans le flux de l'oralité, ce à quoi renvoie le pronom démonstratif, c'est vrai que l'on s'en moque un peu. Ce qui important, c'est ce l'on entend : Brigitte, elle bosse pour son mari, et tout ça gratos, contrairement à la Pénélope qui ne fiche rien, et qui rapporte gros.

Ce que l'on entend encore, c'est une vision très cul-bénit des relations de couple, d'un couple qui s'aimerait présidentiel. Sauf que vivre aux côtés d'une femme quand on est un homme ne dit rien de son identité sexuelle, qu'une femme peut très bien, pour les raisons qui sont les siennes, s'accommoder de l'homosexualité/la bisexualité de son conjoint

L'ancien élève de La Providence à Amiens n'est pas à une "jésuiterie" près. Le fin littéraire qu'il est sait les lieux communs, connaît les préjugés, en joue, sûr de ses effets. Tout le monde n'a pas fréquenté gamin-e le Conservatoire et les rings de boxe ; ça vous forge un caractère, bien plus que l'ENA.

Une politique sans politique

Si Emmanuel Macron avait un double, à défaut d'un hologramme, il serait à aller chercher dans les pages d'un roman de Balzac. Macron veut être président, et il sait que pour le devenir, il faut être élu, et que pour être élu, qu'importe le fond, vivent l'art et la manière. Il s'est "défendu" d'une rumeur d'homosexualité, rumeur considérée comme une "attaque". Comme si le fait d'être homosexuel était une tare intime, une faute politique. Tant pis pour ceux et celles qui auraient attendu d'un candidat à l'élection présidentielle qu'il rappelle, avec l'humour qu'il veut, qu'en 2017, il faut être arriéré-e pour penser qu'un politique soit désavoué par son électorat parce qu'il est homosexuel/bisexuel/asexuel. Il en aurait profité au passage pour rappeler l'importance, sur le plan politique, de combattre les discriminations dont sont victimes de nombreux-ses français-es en raison de leur orientation sexuelle et/ou de leur identité de genre ; ça, ç'aurait eu de la gueule. En même temps, Macron s'en fiche, lui qui ne mène pour l'heure qu'une politique électoraliste. Soutenu par Pierre Bergé, fort d'un groupe créé sur Facebook et nommé "les LGBT en marche avec Macron". Emmanuel Macron sait déjà qu'il a dans la poche les voix de tous les gays blancs bourgeois CSP+. Les autres - les lesbiennes, les trans, les pauvres, les racialisé-e-s,  il les laisse à la valetaille, au petit personnel, à Hamon et à Mélenchon. Ce dernier peut bien se dédoubler - à chacun sa double-vie après tout - le 23 avril 2017, les voix en sa faveur ne compteront pas double pour autant.