Campagne de prévention contre le VIH : Merci les censeurs.

Les voilà à nouveau hurlants et hurlantes. L'origine de leur courroux ? La nouvelle campagne gouvernementale de prévention contre le VIH montrant des hommes s'embrassant. Une manière de rappeler aux hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH) - qu'elle que soit leur orientation sexuelle (hétéro, bi, homo) - que l'on meurt encore du VIH et qu'il est vital de se protéger.

"Les dix dernières années ont montré une hausse extrêmement forte du nombre de contaminations parmi les HSH les plus jeunes. Entre 2004 et 2012, ce chiffre a augmenté de plus de 150 % (multiplié par 2,6). Et dans les autres tranches d’âge, les courbes sont aussi ascendantes. Les analystes de l’InVS remarquent que l’incidence du VIH chez les HSH, c'est-à-dire que le nombre réel de nouvelles infections, est supérieur aux découvertes de séropositivité rapportées chaque année. En clair, il y a probablement plus de contaminations que de diagnostics, l’épidémie va plus vite que la musique de la prévention. Une preuve, une fois de plus, d’un défaut de dépistage selon l’InVS. Cette différence se retrouve d’ailleurs aussi chez les hétérosexuels français nés en France. Le Dr François Bourdillon, directeur général de l’Institut de veille sanitaire, "regrette" ces nombreuses infections, qui arrivent très précocement dans la vie sexuelle de jeunes ayant des rapports homosexuels." (Source : Aides.org)

Alors, que dire de ce courroux, de l'indignation de nos hurlants et hurlantes ? Rien. Rien à dire. Juste deux ou trois choses à rappeler. Parce qu'il y a un devoir de mémoire à respecter quand on évoque l'épidémie du VIH.

  • Dans les premières années de l'épidémie (1980-1985), qui a décimé la communauté homosexuelle mais pas qu'elle, les victimes du VIH  l'ont été dans l'indifférence quasi générale des médias. Qu'allait-on médiatiser une maladie de PD ? Il a fallu attendre en France l'année 1987 pour voir la première campagne gouvernementale de prévention.

Une campagne qui n'avait pas "cherché à typer" les potentielles victimes, par peur de stigmatiser les gays. Ainsi, les hommes qui avaient des rapports avec des hommes étaient invisibilisés. L'intention était louable, les conséquences furent désastreuses. Dans l'imaginaire, l'épidémie  restait le triste privilège des gays, les marquant au front de cette étiquette infamante de "population à risques" quand il aurait fallu parler de "pratiques à risques", comme le sont les pénétrations sexuelles et anales non protégées, le partage de seringues.

  • Si les campagnes de prévention ont évolué, les censeurs sont restés les mêmes. A l'heure de l'intégrisme catho 2.0, n'ont changé que leurs moyens de diffusion de leurs "savonaroleries." La rhétorique demeure. Lors des premières campagnes de prévention, la droite conservatrice  considérait que la maladie du sida était à la fois une question de santé publique marginale tout en  mettant en garde contre le risque de banaliser une sexualité contre-nature et porteuse de mort. Pourquoi alors l'évoquer ? Ce qui n'empêchait pas cette même droite chrétienne (si peu) et si haineuse (beaucoup, beaucoup, beaucoup) de préconiser toute une série de mesures discriminatoires visant à protéger la société d'un mal pire que la peste. Les gays étaient à la fois responsables de leurs souffrances, châtiment divin d'une sexualité dépravée, et responsables du mal des autres, comme ce fut le cas dans l'affaire du sang contaminé par exemple. Les bisexuels, tantôt couchant au lit des femmes, tantôt au lit des hommes, étaient tout bonnement à fuir.
Pour revenir au présent, maintenant que j'ai évoqué le passé (et peut-être aurais-je dû parler davantage de tous ces couples d'amoureux séparés par la mort, de ces hommes qui, ayant perdu l'homme avec lequel il partageait leur vie, perdaient aussi tout ce qu'ils avaient ensemble, dépossédés par la famille des défunts chéris, de tous ces hommes et ces femmes qui, au moins une fois par semaine pendant un an, deux ans, se retrouvaient aux enterrements de leurs collègues, de leurs copains de fiestas, de leurs frères, de leurs pères, de toutes ces larmes, de toute cette souffrance, du manque, de la désolation et de l'exclusion), il ne me reste plus qu'une chose à faire. VOUS REMERCIER. REMERCIER la catho/fachosphère, nos maires et mairesses, député-e-s républicain-e-s investi-e-s, nos veilleurs et nos veilleuses, vous remercier tous et toutes de ne pas avoir changé. (En même temps, changer quand on est conservateur ou conservatrice, c'est un peu ballot, non ?)
  • Merci à vous d'être toujours là avec vos accusations de prosélytisme gay d'où découlerait la nécessité de protéger la jeunesse. C'est vrai que voir des hommes enlacés, heureux, souriants, dans le plaisir d'être ensemble, ça peut donner vachement envie d'être enlacés, heureux, complices. Sauf que ce n'est pas le but de la campagne, campagne de santé publique et non de baise-en-ville. (Au passage je ne m'abaisserai pas à vous rappeler votre manque de zèle quand il s'agit de protéger les enfants d'affiches publicitaires sexistes, ménardiennes, ou encore de mettre en garde ces mêmes enfants contre les appétits des hommes en soutane.)

Fillon

  • Merci à vous pour votre ignorance et votre haine de l'autre. Votre homophobie est la bienvenue. Vous ne le savez peut-être pas, mais  c'est elle qui a longtemps fait le lit des malades du VIH. Parce que pendant longtemps, lancer une campagne de prévention aurait été perçu comme une légitimation de l'homosexualité, combien de campagnes sont passées à l'as ? Combien de malades ? De morts ? On ne lutte pas contre la propagation du VIH sans lutter contre le virus homophobe. Merci donc de l'occasion que vous nous offrez ici, avec vos indignations surjouées et votre haine bien réelle, de doubler sans le savoir l'efficacité de cette campagne.

Union ardennais

 

C'est au tour de votre homophobie de faire la Une des journaux. C'est elle à présent qui est montrée du doigt parce que monstrueuse.  C'est au tour des pauvres cons-connes qui se sont cru malin-e-s en postant sur Twitter leurs amabilités habituelles, d'être la cible des quolibets. C'est à eux / à elles maintenant de baisser la tête et de raser les murs, comme l'ont fait dans les années 1980-1990 des milliers d'hommes qui se découvraient malades, terrifiés à l'idée que ÇΑ se sache. La honte a changé de camp, c'est tant mieux. Un grand merci donc à tous ces maires de droite - pro-Fillon - qui en cette semaine d'entre deux-tours se sont indigné-e-s. Merci aussi à toutes ces tribunes et réactions ( ici, , là encore) qui ont relayé la bronca de nos édiles pour mieux en montrer le ridicule : nous n'avons plus peur, nous n'avons plus honte. Quel que soit le mal dont souffre un être ou une société, il ne peut être combattu s'il reste invisible. Donnons toujours plus de visibilité à ceux et celles qui souffrent mais aussi à ceux et celles qui répandent autour d'eux la haine et l'exclusion : les premiers seront sauvés, les seconds châtiés.  AMEN.